article de Thibaut Alexandre
16 MARS 2018
Début avril, la première station spatiale chinoise doit retomber dans l'atmosphère de manière incontrôlée. Cette rentrée présente-t-elle un risque ? Où peut-elle se produire? A quelques jours de cet événement astronautique et médiatique qui risque de voir se propager les plus folles rumeurs, Ciel des Hommes fait le point.
Lancée sur orbite le 30 septembre 2011, Tiangong-1 est la première station spatiale chinoise. Elle a accueilli avec succès les équipages des vaisseaux Shenzhou 9 en juin 2012 et Shenzhou 10 en juin 2013. Sa mission était d'être un laboratoire spatial, mais aussi un prototype de la future grande station spatiale chinoise qui doit être assemblée en orbite dans les années 2020.
Après la visite des 2 équipages, elle était destinée à tourner autour de la Terre pendant quelques années supplémentaires pour faire des tests, et enfin d'être désorbitée de manière contrôlée pour éviter tout danger de débris au sol.
Seulement voilà : au cours du mois de mars 2016, une panne à bord a rendu Tiangong-1 incontrôlable, ruinant tout espoir de la faire retomber de manière contrôlée au-dessus d'un océan. Les autorités chinoises ont mis six mois à avouer publiquement avoir perdu le contrôle de leur première station spatiale.
Présentée comme ça, l'information a visiblement de quoi inquiéter : une station spatiale incontrôlable doit donc retomber dans l'atmosphère, y brûler en grande partie, et des débris vont s'écraser au sol. Les inepties de Paco Rabanne sur un improbable crash de la station Mir sur Paris au soir du 11 août 1999 peuvent encore faire sourire, mais la chute du "Palais Céleste" (signification de Tiangong) peut réveiller la mémoire des chutes de Skylab sur l'Australie en juillet 1979 et de Saliout 7 sur le Chili et l'Argentine en 1991.
Incontestablement, plusieurs centaines de kg de débris sont attendus au sol à l'issue de la rentrée de Tiangong-1, mais les risques sont très limités : d'une part, l'immense majorité de la surface de la Terre où doit avoir lieu la chute est couverte par des océans, des déserts, des montagnes ou bien encore des forêts ; d'autre part, la masse de la station spatiale chinoise joue dans la catégorie poids-plume. On devrait même parler de mini station spatiale, tant les dimensions de Tiangong 1 sont petites : 10,5 m de long, 3,4 m de diamètre et une masse de 8,5 tonnes. Elle est donc à peine plus grosse que le célèbre vaisseau Soyouz.
Pour comparaison, la station Skylab avait une masse de 77 tonnes, et n'a blessé absolument personne en tombant au sol. Pour rappel, souvenons-nous que lors de la catastrophique destruction de la navette Columbia au-dessus des Etats-Unis le 1er février 2003, 38,5 tonnes de débris se sont abattus au sol dans une zone peuplée par plus de 300.000 habitants. Hormis l'équipage de la navette, personne n'a été tué ou blessé au sol. En fait, il y a un million de fois plus de chances de gagner au Loto que d'être touché par un débris spatial.
A l'heure où nous écrivons ces lignes, la rentrée de Tiangong-1 est prévue pour le 3 avril, à plus ou moins une semaine. Il est encore impossible de dire précisément quand cette rentrée interviendra, car une rentrée atmosphérique incontrôlée dépend de nombreux paramètres très difficiles à évaluer : aérodynamisme du satellite, orientation du satellite dans l'espace au moment de sa prise de contact avec l'atmosphère et densité de la haute atmosphère, cette dernière dépendant de l'activité solaire. Quand le Soleil est actif ou que le vent solaire est puissant, l'atmosphère terrestre a tendance à gonfler et donc à ralentir les satellites en orbite basse.
Sans horaire de rentrée, il est donc impossible de déterminer où Tiangong-1 retombera. Une seule chose est certaine : son inclinaison sur l'équateur est de 42,6°. La rentrée aura donc lieu quelque part entre 42,6° de latitude Nord et 42,6° de latitude Sud, ce qui couvre l'Afrique, l'Europe du Sud, l'Asie du Sud, l'Australie, ainsi qu'une bonne partie des Amériques et des océans Pacifique, Atlantique et Indien. Paris n'a donc rien à craindre, mais la France métropolitaine pourrait être touchée, dans la région de Perpignan ou en Corse.
Il est d'ailleurs à noter que le 27 novembre 1999 au soir, l'étage de fusée ayant mis sur orbite le vaisseau Shenzhou 1 quelques jours plus tôt et ayant la même inclinaison orbitale que Tiangong-1 est retombé dans l'atmosphère au-dessus de la Méditerranée. Un phénomène qui fut visible au Portugal, en Espagne, en Corse, en Sardaigne et en Italie, et qui pourrait donc se reproduire.
Tiangong-1 couvrant environ 16 orbites par jour, cela signifie qu'on ne saura pas encore où aura lieu la rentrée la veille même de l'évènement ! On ne devrait commencer à déterminer une zone probable seulement quelques heures avant.
A quoi doit-on s'attendre lorsque Tiangong-1 retombera dans l'atmosphère, hormis la chute de débris au sol ? Les habitants de la zone de chute assisteront, si les conditions météo le permettent, à un phénomène lumineux ressemblant à une étoile filante, mais en beaucoup plus lent et en beaucoup plus impressionnant, avec le déplacement groupé de nombreuses traînées lumineuses. Quelques-unes des plus impressionnantes observations d'OVNI sont d'ailleurs explicables par des rentrées satellitaires. Qu'on se le dise : près de 30 ans après les faits, des ufologues sont aujourd'hui encore convaincus que le ciel français a été envahi par des centaines de soucoupes volantes au soir du 5 novembre 1990, alors que tout indique qu'il s'agissait d'un étage de fusée soviétique !
Tiangong-1 étant tombée en panne avant la fin de sa mission, ses réservoirs contiennent peut-être encore un peu d'hydrazine, un carburant très toxique. Aussi, toute personne ayant la chance d'assister à la chute de débris est très fermement invitée à ne pas y toucher !
Nous vous tiendrons informés de cette rentrée atmosphérique en fonction de l'évolution de l'orbite de Tiangong-1 sur notre page Facebook.