Un système de survie digne de la science-fiction

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
30 OCTOBRE 2006

Pas besoin de sortir du système solaire pour trouve une planète-désert, Mars fait l\'affaire
Pas besoin de sortir du système solaire pour trouve une planète-désert, Mars fait l'affaire

Nasa

Dans l’épique roman écologique Dune de Frank Herbert (1965) qui se déroule sur l’imaginaire planète-désert Arrakis, l’eau est si précieuse que même la transpiration et l’humidité de la respiration sont recyclées pour la consommation. Lors de missions de longue durée sur la Lune ou a destination de Mars, la science pourrait bien finir par imiter la fiction.

De fait, les scientifiques et les ingénieurs du centre spatial Marshall de la Nasa mettent la touche finale à des systèmes destinés à capturer le dioxyde de carbone exhalé ainsi que l’urine afin de les recycler en oxygène respirable et en eau potable.

« Les premières missions spatiales habitées, celles des programmes Mercury, Gemini, Apollo, emportaient avec elles toutes les ressources en eau et oxygène dont avait besoin l’équipage. Et elles rejetaient leurs déchets gazeux et liquides dans l’espace » rappelle Robert Bagdigian, du centre spatial Marshall. Pour parler le jargon des techniciens, les systèmes de survie des astronautes étaient en « circuit ouvert », et ils avaient impérativement besoin de ravitaillement en provenance de la Terre, ce qui est encore vrai aujourd’hui pour la Station Spatiale Internationale.

Mais pour une quelconque mission de longue durée à destination de Mars ou même de la Lune, « il sera utile de fermer le circuit ». En clair, de recycler l’eau et l’air viciés au lieu de s’en débarrasser. Et bientôt, la Station Spatiale Internationale testera un tel système de régénération.

Ce projet porte le nom anglais de Environmental Control and Life Support Systems, soit système de survie et de contrôle environnemental, mais nous utiliserons pour la suite l’acronyme anglais ECLSS (prononcez « I-claïsse »). Bagdigian dirige le projet ECLSS.

« Les Russes sont en avance sur nous » concède Robyn Carrasquillo, un des ingénieurs qui travaillent sur le projet ECLSS. « Les tout premiers modules des stations Saliout et Mir étaient déjà équipés de condensateurs qui récupéraient l’humidité de l’air. Puis ils faisaient subir une électrolyse à l’eau ainsi obtenue (ils faisaient passer un courant électrique dans l’eau afin de la dissocier en hydrogène et en oxygène) et obtenaient ainsi de quoi respirer. » ECLSS, qui doit être lancé vers l’ISS en 2008, va plus loin : « en plus de l’humidité de l’air, il peut aussi recycler l’urine ».

Recycler l’urine reste un défi technique de taille. « L’urine est tellement plus sale que l’humidité de l’air qu’elle peut corroder le matériel et encrasser les tuyaux» explique Carrasquillo. ECLSS utilise un procédé de purification appelé distillation par compression de vapeur. L’urine y est portée à ébullition, et la vapeur ainsi extraite, essentiellement de la vapeur d’eau presque propre à l’exception de quelques traces d’ammoniac et d’autres gaz, s’élève dans une chambre de distillation, laissant derrière elle un concentré d’impuretés et de sels formant une soupe marronnasse peu ragoûtante que Carrasquillo appelle charitablement « saumure », laquelle saumure est naturellement évacuée.

La vapeur refroidit alors et se condense en liquide. Ce distillat de vapeur est ensuite mélangé avec le condensé obtenu à partir de l’humidité ambiante, et cette eau est encore purifiée pour devenir tout à fait potable. ECLSS est ainsi en mesure de récupérer ainsi 100% de l’humidité de l’air, et 85% de l’eau contenue dans l’urine, ce qui fait au total une efficacité globale d’environ 93%.

Ça, c’est ce qu’on obtient sur Terre. Dans l’espace, il y a une difficulté supplémentaire : comme il n’y a ni haut ni bas en impesanteur, « la vapeur ne s’élève pas toute seule ». Dans la microgravité d’un vaisseau spatial, la vapeur reste là, et ne gagne pas la chambre de distillation. Aussi dans la version de ECLSS actuellement en cours de finalisation, « nous mettons en rotation l’ensemble du système de distillation afin de créer une pesanteur artificielle qui permet de séparer la vapeur de la saumure ».

De plus, en microgravité, les cheveux, les cellules de peau morte, les peluches et autres impuretés flottent librement dans l’air au lieu de tomber au sol. Aussi le système de retraitement nécessite un dispositif de filtration assez impressionnant. Lorsque l’eau claire en émerge enfin, de la teinture d'iode est ajoutée afin de retarder la croissance des microbes. Le chlore, couramment utilisé sur Terre pour purifier l’eau, est trop réactif et dangereux à manipuler et à stocker pour être utilisé dans l’espace.

ECLSS tel qu’il a été conçu pour l’ISS pèse environ une tonne et demie, sera lancé en 2008 et « produira 1,9 litre par heure, soit plus que les besoins des équipages actuels composés de trois membres » affirme Carrasquillo. « Cela permettra à la Station Spatiale Internationale de couvrir les besoins vitaux de 6 occupants permanents ». Le système est conçu pour produire de l’eau potable « satisfaisant à des critères de qualité et de pureté plus sévères que ceux de la plupart des services des eaux sur Terre » se targue Bagdigian

.

En plus de produire de l’eau potable pour l’équipage, le système de retraitement des eaux usées fournira également de l’eau à l’autre moitié d’ECLSS : le système de génération d’oxygène (acronyme anglais OGS). OGS fonctionne par électrolyse. Il sépare la molécule d’eau en oxygène pour la respiration et en hydrogène, ce dernier étant ventilé vers l’extérieur de la Station. Le circuit d’air a besoin d’une eau assez pure afin que les cellules d’électrolyse ne deviennent pas contaminées et putrides » insiste Bagdigian.

« La régénération est beaucoup plus rentable que le ravitaillement en eau de la station à partir de la Terre » insiste Carrasquillo. Et ce sera encore plus vrai lorsque les navettes seront retirées du service en 2010.

Parvenir à recycler 93% des eaux usées est un résultat pour le moins impressionnant. Mais pour des missions qui dureront des mois ou des années sur la Lune ou Mars, des versions ultérieures de ECLSS devront approcher des 100%.

Alors seulement les astronautes seront prêts à survivre grâce à notre propre version des dispositifs de Dune...

NOTE : depuis avril 2006, une version terrestre d’une partie du système de retraitement des eaux usées de ECLSS est amenée par camion de village en village au nord de l’Irak afin de filtrer et d’éliminer particules et contaminants qui se trouvent dans l’eau des puits ou des sources afin de fournir aux habitants de l’eau potable. Ce système portable de la taille d’un petit réfrigérateur purifie l’eau au rythme soutenu de 15 litres par minute, pour un coût de deux centimes de dollar.

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