article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
4 DECEMBRE 2003
De nouvelles données viennent confirmer que le champ magnétique de notre planète connaît régulièrement d’immenses brèches qui peuvent rester ouvertes plusieurs heures, permettant au vent solaire de s’y engouffrer et de provoquer de puissants orages magnétiques.
La Terre est entourée par un champ magnétique, une bulle de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de diamètre, appelée la magnétosphère. Bien que peu de gens connaissent son existence, elle fait pourtant partie de notre vie quotidienne. C’est une extension lointaine du champ magnétique qui oriente l’aiguille aimantée de la boussole. Et son rôle est essentiel : la magnétosphère agit comme un écran pour nous protéger des conséquences des éruptions solaires.
Pourtant, selon de récentes données recueillies par les satellites IMAGE et Cluster, d’immenses failles se développent parfois dans la magnétosphère terrestre et restent béantes plusieurs heures d’affilée. Le vent solaire peut alors s’y engouffrer sans rencontrer résistance et de déclencher des orages magnétiques.
" Nous avons découvert que notre champ magnétique est une maison des courants d’air, comme si une fenêtre restait ouverte pendant les tempêtes " confirme Harald Frey, auteur principal d’un article scientifique publié le 4 décembre dans la revue Nature.
" Pour filer la métaphore, on pourrait dire que la maison nous protège du gros de la tempête, mais que le canapé est trempé. Plus concrètement, notre champ magnétique subit tout le poids de la tempête magnétique, mais une partie de cette dernière se glisse par les failles, avec parfois une intensité suffisante pour endommager des satellites, les communications radio et les réseaux d’alimentation électrique.
" A présent que nous avons la confirmation que ces failles peuvent se produire et persister un moment, nous pouvons les intégrer aux modèles de prévision des conséquences des éruptions solaires " ajoute Tai Phan, co-auteur de l’étude.
Le vent solaire est un courant de particules électriquement chargées (électrons et ions) en déplacement rapide en provenance du Soleil. Ce vent peut souffler en rafales à l’occasion d’évènements particuliers à la surface du Soleil, comme des éjections de matière coronale, à l’occasion desquelles des milliards de tonnes de gaz électrifié sont précipitées dans l’espace à des vitesses de l’ordre de plusieurs millions de kilomètres par heure.
La magnétosphère terrestre s’acquitte en général plutôt bien de son rôle de déflecteur de ces particules et des champs magnétiques enchevêtrés associés aux éjections de matière coronale. Mais on sait depuis longtemps, notamment du fait des conséquences spectaculaires des orages magnétiques comme les aurores polaires, que la cuirasse avait un défaut.
En 1961, Jim Dungey, un chercheur anglais, avait prévu que des failles étaient susceptibles de se former dans le bouclier quand le vent solaire contenait un champ magnétique qui était orienté dans la direction opposée à une portion du champ terrestre. Localement, les deux champs magnétiques se connectaient par le bien d’un processus nommé " reconnexion magnétique ", entraînant la formation d’une faille dans le bouclier à travers laquelle les particules électriquement chargées du vent solaire pouvaient déferler.
En 1979, l’allemand Goetz Paschmann détecta ces failles grâce aux données du satellite ISEE. Cependant ce satellite ne passa que brièvement au travers des failles, aussi il fut impossible de savoir si ces dernières étaient des évènement transitoires ou stables sur de longues périodes.
Les dernières données récemment obtenues par IMAGE ont révélé dans l’atmosphère surplombant le continent arctique une étendue presque aussi grande que la Californie où une " aurore de proton " de 75 mégawatts a sévi pendant des heures. Une aurore de protons est une forme d’aurore polaire provoquée par des ions solaires lourds frappant la haute atmosphère terrestre et entraînant sa luminescence en ultraviolet, invisible pour l’œil humain mais détectable par les instruments appropriés d’IMAGE. Tandis qu’IMAGE détectait cette aurore, la constellation des quatre satellites Cluster volait loin au-dessus de lui, en plein dans la faille, et détectèrent les ions du vent solaire s’y écoulant.
Le flux d’ions solaires bombarda notre atmosphère exactement au même endroit où IMAGE avait repéré l’aurore de protons. Le fait qu’il ait pu la suivre pendant plus de neuf heures implique que la faille est restée continuellement ouverte pendant cette période. Les chercheurs estiment que la faille mesurait deux fois le diamètre terrestre lorsquelle s’est ouverte à la frontière du champ magnétique et se situait alors à 60 000 km au-dessus du sol. Comme les lignes de champ magnétique convergent lorsqu’elles se rejoignent dans les région polaires, la faille s’est rétrécie lorsqu’elle s’est rapprochée de la haute atmosphère pour ne plus mesurer que la taille de la Californie.
Par chance, même si le champ magnétique connaît ces failles, la surface de notre planète n’est jamais directement exposée au vent solaire. L’atmosphère constitue un barrage supplémentaire et nous protège lorsque le champ magnétique connaît une faiblesse. Aussi les effets des orages magnétiques sont surtout sensibles dans la très haute atmosphère et au-delà, là où orbitent les satellites.
D’ici quelques jours, nos publierons un article rendant compte des fabuleuses aurores que de récentes failles ont déclenché en des endroits pour le moins inattendus ces derniers temps.
Quelques liens pour aller plus loin
Le centre d’environnement spatial du NOAA