Le sillage d’une exoplanète détecté depuis
un observatoire français ?

article de Didier Jamet
13 JANVIER 2002

Deux concentrations de poussière provoquées par les résonnances gravitationnelles d’une seule planète ? C’est ce que semblent indiquer les simulations du Harvard-Smithsonian. Outre une exoplanète de plus autour de Véga, on tient peut-être là une méthode inédite de détection de ces nouveaux Mondes…
Deux concentrations de poussière provoquées par les résonnances gravitationnelles d’une seule planète ? C’est ce que semblent indiquer les simulations du Harvard-Smithsonian. Outre une exoplanète de plus autour de Véga, on tient peut-être là une méthode inédite de détection de ces nouveaux Mondes…

Wilner/Aguilar/CFA

C’est le radiotélescope du Plateau de Bure, dans les Hautes-Alpes, qui a permis de renforcer cette captivante hypothèse : Une planète tournerait bien autour de Véga, la plus brillante étoile de la constellation de la Lyre, une des vedettes du ciel d’été. Ce résultat est une source de réconfort pour le personnel du radiotélescope, durement éprouvé par une terrible série d’accidents en 1999.

Comment en est-on arrivé à l’hypothèse exoplanète ? En fait, depuis 1983, grâce au télescope spatial infrarouge IRAS, les astronomes savent que Véga est entourée d’un disque de poussières.

Les bonnes grâces de Véga

Il se trouve que, par un heureux hasard, le plan de rotation de ce disque est presque perpendiculaire à notre ligne de visée depuis la Terre : nous voyons Véga par un de ses pôles, et nous bénéficions donc d’une vue plongeante sur le disque qui l’entoure, configuration offrant l’opportunité d’examiner en détail sa structure.

Moins de contraste pour plus de détails

C’est ce qui a été fait avec les 5 antennes du radiotélescope du plateau de Bure, à une longueur d’onde de 1,3 millimètre. Cette longueur d’onde est intéressante dans le cas présent, car elle permet d’atténuer le contraste entre les émissions des grains de poussière et celles de l’étoile centrale. Ainsi, elle fournit aux astronomes des données plus précises sur le faible signal émis par la partie intérieure du disque de poussières, celle qui se trouve le plus près de Véga, et qui autrement serait noyée dans le rayonnement de l’étoile.

Ces observations à haute résolution ont fait apparaître deux " grumeaux " dans le disque, correspondant à des concentrations asymétriques de poussières.

Nids à poussières

Selon les chercheurs du centre pour l’astrophysique du Harvard-Smithsonian, auteurs de l’étude, ces concentrations ont toutes les chances d’être le fruit de perturbations gravitationnelles engendrées par une planète qui taillerait sa route dans le bord intérieur du disque de poussière, selon une orbite très elliptique.

En tous les cas, les simulations numériques effectuées sur ordinateur à partir de cette hypothèse aboutissent au même type de " nids à poussières " que ceux réellement observés.

Mieux, les simulations révèlent également que ce type de structure apparaît presque systématiquement, à partir du moment où l’orbite de la planète présente une forte excentricité, et ce indépendamment de sa masse.

Et si c’était autre chose ?

Reste que d’autres phénomènes pourraient également expliquer ce genre de concentration, comme une collision récente entre astéroïdes massifs par exemple. Mais dans le cas présent, il faudrait supposer deux collisions quasi simultanées pour obtenir le même résultat, et qui plus est dans des directions opposées : la probabilité est faible, mais les données sont encore insuffisantes pour écarter définitivement cette possibilité.

Bientôt la réponse

L’intérèt de l’hypothèse " planète ", c’est qu’elle va pouvoir être vérifiée grâce à un suivi régulier de Véga et de l’évolution de son disque sur plusieurs années. Les modèles prédisent en effet que les concentrations de poussières devraient tourner autour de Véga selon un cycle correspondant à la moitié de la vitesse orbitale de la présumée planète.

Les nouveaux instruments à même d’assurer ce suivi vont bientôt rentrer en service. La planète de Véga, si elle existe, ne leur échappera plus bien longtemps, quelques années tout au plus.

Le plateau de Bure revient au premier plan

Pour l’observatoire du plateau de Bure et le personnel de l’IRAM (Institut de RAdioastronomie Millimétrique), c’est la confirmation de la qualité des installations et des excellents résultats scientifiques qu’elles produisent, grâce à leur sensibilité largement supérieure à celle des instruments concurrents, notamment américains.

Dans ce contexte, le fait que l’équipe du Smithsonian ait utilisé les services du plateau de Bure, alors qu’elle disposait en théorie d’un instrument équivalent sur le sol américain, n’est pas anodin.

C’est aussi un peu de baume au cœur pour des équipes de techniciens et de chercheurs cruellement marquées par le destin : Le 1er juillet 1999, la cabine du téléphérique qui menait au plateau se détachait de son câble porteur, entraînant la mort de 20 personnes, tous membres de l’observatoire. Puis le 15 décembre de la même année, ce fut au tour d’un hélicoptère navette de s’écraser contre la montagne, faisant 5 victimes de plus.

Après cette hécatombe, l’observatoire fut mis en sommeil pendant un an, jusqu’en décembre 2000. Depuis, la vie a repris peu à peu ses droits sur le site, qui panse encore ses plaies. Une sixième antenne devrait même rejoindre celles déjà installées courant 2002, promettant un net accroissement de la sensibilité, et une extension des programmes de recherche.

Si un jour on obtient bien la preuve formelle de l’existence d’un système planétaire autour de Véga, tôt ou tard viendra l’heure de nommer les nouveaux astres découverts. Il serait alors bon qu’à cette occasion l’Union Astronomique Internationale n’oublie pas les victimes du Pic de Bure : ce sera le moment ou jamais de leur rendre l’hommage qu’elles méritent.

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