article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
5 DECEMBRE 2013
Les astronomes savent depuis longtemps que certaines comètes l'aiment chaud, le Soleil. Un bon nombre des plus belles comètes de l'histoire, bien visibles à l'oeil nu, étaient ainsi des rasantes. Certaines l'aiment chaud, mais manifestement, ce n'était pas le cas de la comète ISON.
Le passage d'ISON à proximité du Soleil le 28 novembre dernier était pourtant très attendu, dans l'espoir qu'elle devienne à son tour une grande comète. « Et puis elle s'est désintégrée » commente laconiquement Karl Battams, une des chevilles ouvrières de la campagne d'observation de la comète ISON lancée par la NASA. « Tout ce qu'il en reste est aujourd'hui invisible à l'oeil nu. »
Bien sûr, c'est une déception, mais Battams positive : « plutôt que de se lamenter sur ce que nous avons perdu, nous devrions nous réjouir de ce que nous avons gagné : sans doute les meilleures données jamais obtenues dans l'histoire de l'observation cométaire. »
Au matin du 28 novembre, les espoirs étaient pourtant immenses, alors qu'ISON approchait du périhélie, le point de son orbite le plus proche du Soleil. La boule de neige sale présentait déjà une queue 20 fois plus grande que la pleine Lune, et une chevelure assez brillante pour être visible à l'oeil nu dans le ciel de l'aube. Une bonne dose de chaleur solaire pouvait améliorer les choses. Ou les compromettre irrémédiablement...
Pendant le passage au périhélie, plus de 32 000 personnes ont assisté à la visioconférence organisée pour l'occasion et au cours de laquelle Battams commentait, en compagnie d'autres spécialistes des comètes, les images en provenance des satellites. Mais alors qu'ISON s'approchait toujours plus du Soleil, elle connut un brutal sursaut d'éclat avant de commencer à pâlir.
« C'était sans doute le moment où la comète a commencé à se désintégrer entièrement » commente Matthew Knight, autre membre actif de la campagne d'observation d'ISON.
Ainsi les caméras du satellite SDO ont-elles suivi la comète jusqu'au périhélie et n'ont... strictement rien vu. « Nous n'étions pas certains de ce qui se passait » se souvient Knight.
Les scientifiques eurent encore une autre surprise lorsque un nuage en éventail finit malgré tout par émerger de l'autre côté du Soleil. De quoi pouvait-il s'agir ? D'un reliquat du noyau, trop petit pour être détecté par SDO, ou d'un « tas de gravats » de fragments se vaporisant furieusement ? Ce qui est certain, c'est qu'à la fin de la journée, ISON n'était plus qu'un nuage de poussière en voie rapide de dispersion.
« C'est bien sûr décevant de ne pas avoir eu une magnifique comète visible à l'oeil nu » reconnaît Knight. « Mais d'une certaine façon, ISON a malgré tout connu un immense succès : sur les réseaux sociaux. Ça a été phénoménal. Le site de la campagne d'observation a reçu plus d'un million de connexions, et j'avais des difficultés à récupérer des images à l'approche du périhélie du fait de la saturation des serveurs de la NASA. »
Battams renchérit : « la comète est morte, mais la campagne d'observation n'en a pas moins été un grand succès. Depuis sa découverte en septembre 2012, la comète ISON a été scrutée par une armada de satellites, étudiée dans toutes les longueurs d'onde, et photographiée par des milliers de télescopes terrestres. Nous n'avons rien manqué. »
Les deux astronomes espèrent que cette formidable moisson de données leur permettra de comprendre un jour ce qui est vraiment arrivé à ISON. Et vous amis lecteurs, qu'en pensez-vous ? Venez en discuter sur notre page Facebook !