Larry Taylor, l’homme qui veut passer la Lune au micro-onde

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Trudy E. Bell
traduction de Didier Jamet
10 NOVEMBRE 2005

La recette pour vitrifier entièrement la surface lunaire ? La mettre au four à micro onde puissance 250 watts pendant 30 secondes, puis laisser refroidir... Seule difficulté pour le moment : trouver un four assez grand...
La recette pour vitrifier entièrement la surface lunaire ? La mettre au four à micro onde puissance 250 watts pendant 30 secondes, puis laisser refroidir... Seule difficulté pour le moment : trouver un four assez grand...

Laurent Laveder, Photoastronomique.net

Les scientifiques et les ingénieurs qui préparent actuellement le retour de l’homme sur la Lune sont naturellement confrontés à toutes sortes de difficultés. Une des principales tient à un détail qui pourrait paraître trivial : comment se débarrasser de la poussière qui recouvre le moindre centimètre carré de la surface lunaire ? Le planétologue Larry Taylor propose une solution franchement étonnante, mais qui pourrait être promise à un grand avenir.

" Si vous ne pouvez pas en venir à bout, faites avec ". Cette consigne de management pourrait bien être remarquablement adaptée à la situation que les premiers habitants de la future base lunaire établie par la Nasa auront à gérer.

Les scientifiques et les ingénieurs qui préparent actuellement le retour de l’homme sur la Lune sont confrontés à toutes sortes de problématiques, par exemple concevoir des quartiers d’habitation adaptés aux conditions lunaires ou bien extraire tout ce qui dans le sol lunaire peut être utilisé comme matériaux de constructions ou comme carburant.

Mais leur principale difficulté tient aujourd’hui à une question qui pourrait paraître triviale vue de la Terre : la poussière lunaire. Elle est absolument partout ! Cette poudre grise s’insinue dans les moindres recoins, coinçant les systèmes de verrouillage et compromettant l’étanchéité des compartiments, et son caractère abrasif use prématurément les combinaisons spatiales. Comble de malchance, elle accumule très facilement les charges électrostatiques, se mettant à flotter au-dessus de la surface lunaire pour mieux se coller à la surface des visières ou des objectifs photographiques. Enfin, pour compléter ce tableau déjà sombre, ajoutons qu’elle est potentiellement toxique.

Alors que peut on bien faire de cette si encombrante poussière ? Larry Taylor, planétologue réputé de l’Université de Tennessee, a sa petite idée : N’essayons pas de nous en débarrasser. Faisons la fondre en quelque chose d’utile !

" Je fais partie de cette catégorie de gens un peu bizarres qui aiment bien placer toutes sortes de choses dans des fours à micro ondes ordinaires pour voir le résultat " confessait encore Taylor le mois dernier devant un parterre de plusieurs centaines de chercheurs réunis au sein du groupe consultatif sur l’exploration lunaire, le LEAG en version originale (Lunar Exploration Advisory Group), réuni en séminaire au centre spatial Johnson.

Chez lui dans le Tennessee, sa plus célèbre expérience a porté sur les effets des micro-ondes sur une savonnette, laquelle s’est immédiatement transformée en épouvantable créature difforme. Mais ce n’est pas de cela qu’il est venu parler devant les membres du LEAG, puisque ces derniers sont surtout intéressés par la Lune...

Non, il a préféré leur montrer ce que devenait un petit tas de poussière lunaire ramené par les astronautes d’Apollo lorsqu’on le place au micro-onde. Il se trouve qu’il fond à toute allure, en même pas 30 secondes, et ce à la très faible puissance de 250 watts.

Comment expliquer un tel phénomène ? Le secret réside bien sûr dans la composition de cette poussière lunaire. Le " régolithe ", le nom scientifique de la poussière lunaire, est produit par la chute incessante sur les roches lunaires de micrométéorites frappant le sol à des vitesses de plusieurs dizaines de kilomètres par seconde. La chaleur produite vitrifie à la fois la météorite et la matière qui se trouve au point d’impact. Le verre ainsi formé contient à l’échelle nanométrique des perles de fer pur, appelées " fer nanophase ". Ce sont ces minuscules perles de fer, concentrant très efficacement l’énergie transmise par les micro-ondes, qui précipitent la fusion et l’amalgame de la poussière.

À partir de cette simple observation, Taylor a imaginé toutes sortes de machines expédiables sur la Lune afin de réaliser la fusion de la poussière lunaire en solides utiles.

Taylor propose l’audacieux scénario suivant : " Imaginez une remorque tractée par un rover. La remorque est équipée de magnetrons, les mêmes appareils qui produisent les micro-ondes dans nos fours. Avec une fréquence et une puissance adaptée, un astronaute peut rouler où bon lui semble, réalisant la fusion du sol derrière lui et obtenant du même coup sur une profondeur de 50 cm de quoi faire des briques pour ses abris. Puis il modifierait les réglages de ses pulseurs de micro-ondes, qui se concentreraient sur les premiers centimètres de sol qu’ils transformeraient en verre ".

" Voulez-vous plutôt réaliser un radiotélescope au fond d’un cratère lunaire ? " Poursuit-il. " Il vous suffit pour cela de trouver un cratère grossièrement circulaire, de le creuser selon un profil parabolique, et de faire passer à la surface votre sulfateuse à micro-ondes. Il vous restera alors à planter une antenne au milieu, et le tour sera joué, vous aurez un petit frère d’Arecibo en 5 minutes ! " s’exclame-t-il, faisant référence au radiotélescope géant de 305 mètres de diamètre établi dans une dépression circulaire naturelle à Porto Rico.

Et quoi d’autre encore ? Des aires d’atterrissage vitrifiées, des routes, des briques contre les radiations, tout un tas de produits utiles obtenus à partir de ce qui se présentait au départ comme une nuisance. " La seule limite de la méthode tient à celle de notre imagination " se réjouit par avance Taylor.

Quelques liens pour aller plus loin (en anglais)

En savoir plus sur les projets de Taylor

Le problème de la poussière lunaire

Voir aussi le volume 18, Numéro 3 du Journal of Space Engineering de Juillet 2005, pages 188 à 196.

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