Astronomes recherchent Lune de Sedna, désespérément.

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
15 AVRIL 2004

Voici Sedna vu par Hubble, à près de 13 milliards de kilomètres de distance. Mais où donc se cache sa Lune ?
Voici Sedna vu par Hubble, à près de 13 milliards de kilomètres de distance. Mais où donc se cache sa Lune ?

HubbleSite/Nasa

En examinant attentivement une trentaine d’images de Sedna prises par le télescope spatial Hubble, les astronomes à l’origine de la découverte de ce lointain corps céleste n’y ont décelé aucun indice de la présence d’un compagnon de taille significative. Ils s’attendaient pourtant à en trouver un, car cela aurait permis d’expliquer la très faible vitesse de rotation de Sedna sur lui-même. S’il demeure pour le moins inattendu, ce résultat constitue peut-être une opportunité de mieux comprendre l’origine et l’évolution des objets croisant aux confins du système solaire.

L’existence de Sedna a été rendue publique il y a tout juste un mois, le 15 mars dernier. Son découvreur, Mike Brown, du CalTech, était si convaincu du fait que Sedna avait un satellite qu’il avait fait réaliser une vue d’artiste incluant cette hypothétique Lune.

Pourquoi était-il si sûr de son fait ? Parce que Sedna a une très faible vitesse de rotation. On pense qu’il lui faut une quarantaine de jours pour effectuer un tour complet sur lui-même. Or presque tous les corps célestes solitaires du système solaire tournent sur eux-mêmes en quelques heures. Aussi, pour Brown et ses collègues, l’explication la plus naturelle de cette faible vitesse était d’envisager la présence d’une lune autour de Sedna, laquelle aurait peu à peu freiné la rotation du planétoïde par effet de marée gravitationnelle.

" Je reste très perplexe devant cette absence de Lune " confie Brown. " Cela rend Sedna encore plus intéressant, mais je dois avouer que je ne comprends pas ce que cela signifie ".

Immédiatement après l’annonce de la découverte de Sedna, le télescope spatial Hubble a été braqué en direction du nouveau planétoïde, à la recherche de cet hypothétique compagnon. Hubble était le seul instrument offrant la stabilité d’image et la résolution nécessaires à ces mesures de haute précision.

Mais les images de Sedna prises le 16 mars par Hubble avec l’instrument ACS n’ont rien révélé dans le voisinage, à part une faible et très lointaine étoile en arrière-plan. Elles n’ont pas complètement permis de résoudre le disque de Sedna, juste de fixer une limite supérieure à son diamètre, qui ne saurait dépasser les 1 600 kilomètres, soit les 3/4 de Pluton. Il faut dire que cela revient à essayer d’obtenir une image d’un ballon de football placé à 1500 kilomètres de l’observateur !

Brown espérait donc apercevoir un " point " dans les images d’Hubble, faible écho de lumière trahissant la présence d’une Lune. Or il n’y a absolument rien.

Il reste cependant une chance, quoique faible, pour que cette Lune se soit trouvée devant ou derrière Sedna au moment de la prise de vue, et se soit donc confondue avec lui.

Autre tentative d’explication, la période de rotation initialement calculée aurait pu être sous-estimée. Elle a été établie à partir de changements périodiques de la luminosité de Sedna, probablement dus à des différences de réflectivité de sa surface. Selon ces mesures, Sedna serait le troisième objet à la révolution la plus lente de tout le système solaire, juste après Mercure et Vénus. Devant l’absence de compagnon, ces données ont été soigneusement ré-éxaminées, mais le résultat a bel et bien été confirmé.

Au final, Brown avoue : " je suis complètement à court d’hypothèses qui permettraient d’expliquer une si faible vitesse de rotation ".

Note : à la différence de Sedna, les petits corps du système solaire (comètes, astéroïdes) ont une période de rotation qui se compte généralement en heures. Pluton met quant à elle six jours pour effectuer un tour complet sur elle-même. Cela est dû au freinage gravitationnel induit par son compagnon satellite, Charon. Le télescope spatial Hubble a été le premier à fournir une image où Pluton et Charon étaient observables distinctement. Son remplaçant, le futur télescope spatial James Webb, fournira une plate forme permettant des observations infrarouges encore plus détaillées de ces lointains objets du Système Solaire.

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