Spirales spatiales moussues

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Karen Miller
traduction de Didier Jamet
17 JUILLET 2002

La mousse embarquée à bord de la navette spatiale Columbia (STS-87) montre des motifs de croissance en spirale apparus en faible gravité.
La mousse embarquée à bord de la navette spatiale Columbia (STS-87) montre des motifs de croissance en spirale apparus en faible gravité.

NASA

Les échantillons de mousse des bois qui voyagent à bord de la navette spatiale font quelque chose de bizarre : ils tournent en spirale. Les scientifiques pensent qu’il s’agit là d’un indice sur les principes fondamentaux régissant le fonctionnement des cellules végétales.

Le biologiste Fred Sack retira délicatement du plateau une boîte de Pétri . À l’intérieur se trouvaient de précieux échantillons de mousse revenant tout juste d’un voyage de deux semaines à bord de la navette spatiale Columbia. Il scruta les jeunes pousses de mousse, cligna des yeux, et regarda de plus près.

« Ça n’était pas ce que je m’attendais à voir » se souvient Sack. Sa mousse poussait en spirale.

Sur Terre, les spores de mousse qui prennent racine envoient des centaines de minuscules filaments appelés protonéma . Ces filaments poussent normalement de manière anarchique, menant à un enchevêtrement désordonné. Mais la mousse à bord de Columbia a fait quelque chose de différent. Comme réglés sur une chorégraphie, les protonéma tournèrent de concert dans la même direction. Ils formèrent distinctement une spirale dextrogyre comme aucune mousse ne le fait sur Terre.

« C’est l’histoire d’une navette qui atterrit » résume Sack, « Elle vous livre vos plateaux, vous en retirez précautionneusement les boîtes, et vous vous apprêtez à faire quelques photographies. Alors brusquement vous jetez un œil aux cultures, et WAOUH ! Tout de suite vous comprenez que la pousse ne s’est pas effectuée au hasard. »

C’était il y a quatre ans. Sack, Professeur à l’Université d’état de l’Ohio, a étudié les spirales depuis lors, et cependant elles restent un mystère.

Qu’est-ce que de la mousse pouvait bien faire à bord de la navette spatiale ? Sack et ses collègues de la NASA avaient envoyé des échantillons de Ceratodon Purpureus – Mieux connue en Amérique comme mousse de feu- dans l’espace pour étudier la façon dont les végétaux ressentent l’effet de la gravité.

La mousse est particulièrement indiquée pour ce genre d’étude explique Sack, parce que c’est une plante gravitrope – c’est à dire qu’elle ressent la gravité et se développe alors soit dans sa direction, soit dans le direction opposée. (la mousse est également sensible à la lumière, mais les spirales spatiales se sont formées dans l’obscurité. Le « phototropisme » n’était pas en cause.)

Qui plus est, la mousse occupe un faible volume, elle ne prend pas beaucoup de place dans la navette.

Typiquement, quand une plante gravitrope est envoyée dans l’espace, elle est désorientée, elle pousse dans tous les sens. Ces étranges spirales, confirme Sack, ont montré pour la première fois qu’une plante qui normalement s’oriente par rapport à la gravité n’a pas poussé au hasard dans l’espace.

Personne ne sait exactement comment les plantes perçoivent la gravité. Une explication, selon Sack, pourrait résider dans les amyloplastes : de minuscules particules remplies d’amidon qui flottent dans la cellule.

Comme ces particules sont relativement lourdes, la gravité les attire vers le bas. Dans certaines cellules, comme celles des racines, les amyloplastes coulent vers le fond, formant une sorte de couche sédimentaire. Dans les protonéma filamenteux qu’étudie Sack, la sédimentation est plus complexe. Elle ne forme pas une seule couche de sédiments, mais plusieurs.

Dans l’espace, le processus de sédimentation est différent de ce qu’il est au sol – un indice essentiel affirme Sack. En réalité, la sédimentation ne devrait même pas se produire du tout dans l’espace ajoute-t-il. Dans un environnement à zéro-G, les amyloplastes devraient flotter au hasard. Au lieu de cela, ils se regroupent. Pourquoi ? C’est une partie du mystère.

Suite de cet article : Mousse à gogo à bord de la navette

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