article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
1er JANVIER 2004
Le champ magnétique de notre planète est-il en train de s’effondrer, prélude à une inversion de ses pôles ? Rien n’est moins sûr si l’on en croit les chercheurs associés aux travaux de la Nasa, pour lesquels le champ magnétique de notre planète est en constante évolution. On commence en effet à comprendre comment il se comporte, et pourquoi.
A intervalle régulier de quelques années, Larry Newitt, du bureau de recherche géologique du Canada, part à la chasse. Il enfile ses gants par dessus sa parka, emporte une boussole sophistiquée, puis saute dans un avion qui s’envole pour l’arctique canadien. La faune ne pullule pas sur la mer de glace parsemée d’îlots, mais pourtant la proie de Newitt est bien là, ses déplacements continuels la rendant insaisissable.
Quel est ce gibier d’un genre un peu particulier ? Le pôle magnétique nord de notre planète.
A l’heure actuelle, il se situe au nord du Canada, à peu près à 600 km de la zone habitée la plus proche, Resolute Bay, hameau fort de 300 âmes, où un T-Shirt fait fureur : « Resolute Bay n’est pas tout à fait le bout du monde, mais c’est le meilleur endroit pour l’observer ».
Newitt a l’habitude de s’y arrêter pour ravitailler, et y trouve refuge quand le temps devient trop mauvais. « Ce qui veut dire « souvent » plaisante-t-il ».
Un pôle à la dérive
Les scientifiques savent depuis longtemps que le pôle magnétique se déplace. L’explorateur James Ross a déterminé la position du pôle pour la première fois en 1831, au terme d’un épuisant périple durant lequel son navire se retrouva prisonnier des glaces pendant quatre ans. Personne ne s’avisa d’y retourner avant le siècle suivant. Ce n’est qu’en 1904 que Roald Amundsen redécouvrit le pôle, constatant alors qu’il s’était entre temps déplacé de quelque 50 km.
Il continua son bonhomme de chemin en direction du nord géographique tout au long du 20E siècle à la vitesse moyenne de 10 km par an, accélérant sur la fin jusqu’à 40 km par an. S’il continue à ce rythme, le pôle magnétique nord quittera l’Amérique du nord et atteindra la Sibérie d’ici quelques décennies.
La mission de Newitt consiste à suivre pas à pas la piste du pôle nord magnétique. « Jusque là nous partions à sa recherche tous les dix ans, mais il se déplace si rapidement en ce moment qu’il va nous falloir accélérer le rythme. »
Un catastrophisme déplacé
Le champ magnétique terrestre ne change pas que de position. L’aiguille d’une boussole située par exemple en Afrique dérive d’environ un degré par décennie. Et au niveau mondial, le champ magnétique terrestre s’est affaiblie de 10% depuis le 19E siècle. Lorsqu’il a été fait état de ces données à un récent congrès de l’Union Géophysique Américaine, certains journaux ont titré : « Le champ magnétique terrestre est-il en train de s’effondrer ? »
C’est probablement excessif. Aussi spectaculaire que puisse paraître ce changement, « il est assez modeste à côté de ce que le champ magnétique terrestre a déjà connu par le passé » recadre Gary Glatzmaier, professeur à l’Université de Californie.
Parfois le champ s’inverse complètement. Le Nord et le Sud magnétique inversent leur place. De telles inversions, qui ont laissé des traces dans le magnétisme de roches très anciennes, sont parfaitement imprévisibles. Elles se produisent à intervalle irrégulier, même si une moyenne de 300 000 ans semble séparer deux inversions. La dernière se serait produite il y a 780 000 années de cela. La prochaine serait elle en train d’arriver avec beaucoup de retard ? Personne ne le sait avec exactitude.
Pour sa part, Glatzmaier pense que la baisse constatée de 10% en deux siècles ne signifie pas que l’inversion de pôles est imminente. « L’intensité du champ varie en plus ou en moins en permanence. Nous le savons grâce à l’étude du magnétisme fossile. Le champ magnétique actuel est en réalité beaucoup plus fort que ce qu’il fut en moyenne au cours des âges. »
Le moment du dipôle, qui donne une mesure de l’intensité du champ magnétique, est à l’heure actuelle de 8 x 10E22 ampères par mètre carré, soit très exactement deux fois supérieur à l’intensité moyenne du champ sur le dernier million d’années.
Afin de comprendre ce qui se passe, Glatzmaier nous recommande de faire un voyage par la pensée vers… le cœur de notre planète, là où le champ magnétique est généré. C’est la suite de ce dossier, Voyage au centre de la Terre (lien ci-dessous)