article original publié par Science @ Nasa
auteur : Karen Miller
traduction de Didier Jamet
19 DECEMBRE 2002
Le parfum, dont il existe de nombreuses et subtiles variétés, est une ressource fondamentale des fleurs développée uniquement dans le but d'aider les plantes à se reproduire en attirant les insectes et les animaux dont elles ont besoin pour assurer la dissémination de leur pollen.
Bien que nous ayons spontanément à l'esprit l’idée que les senteurs florales sont nécessairement douces et attirantes, les fleurs produisent en réalité une grande variété d'odeurs en fonction des préférences de leurs pollinisateurs privilégiés.
Si les abeilles sont attirées par le même type d’odeurs que les humains, les mouches vertes, par exemple, semblent attirées par des odeurs plus fortes comme celle du symplocarpe fétide, plus connu sous le nom de chou puant .
Mais qu'elles nous soient agréables ou désagréables, les odeurs des plantes proviennent toutes de substances volatiles, aussi appelées huiles essentielles, car elles véhiculent le parfum fondamental de la plante.
Ces extraits de plantes hautement concentrés partagent tous certains traits communs : par exemple, ils se lient facilement aux récepteurs des neurones olfactifs. Ils sont également solubles dans l'alcool, mais pas dans l’eau, et ils sont gras au toucher.
Le plus important est qu'ils s'évaporent à température ambiante. D'ailleurs, les composants odorants utilisés dans les parfums sont classés sur une échelle de 1 à 100, en fonction de la facilité avec laquelle ils s'évaporent.
Le docteur Braja Mookherjee, un des dirigeant d'IFF récemment disparu, insistait sur le fait que la production d'huiles volatiles d'une plante est très fortement dépendante de son environnement. Certaines plantes produisent par exemple une plus grande quantité d'huiles la nuit, période où leurs pollinisateurs sont plus actifs, alors que d'autres sont plus productives dans la journée. La température, l'humidité ainsi que l'âge de la plante influent également sur le processus .
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que la faible gravité puisse affecter le parfum d'une fleur, au même titre que d'autres facteurs environnementaux.
La fleur embarquée lors de la mission STS 95 était une rose miniature appelée "overnight Ccentsation". Elle ne dépassait pas les 18 centimètres de haut et portait deux boutons sur le point d'éclore. Seule une fleur de petite taille pouvait rentrer dans l'enceinte restreinte d'Astroculture ™qui ne mesure que 43 x 22 x 53 centimètres.
99 pour cent des roses miniatures non pas d'odeur, mais "Overnight Scentsation" est une exception. Elle émet une fragrance que Mookherjee décrivait comme "une note de rose fraiche, très verte".
En microgravité, la rose a produit en réalité moins de substance volatiles qu'elle ne le faisait sur Terre. Mais le parfum exsudé était profondément modifié.
Comment les astronautes ont-ils fait pour le savoir ? Non, ils n'ont pas mis le nez dessus...
Pour recueillir le parfum, ils ont introduit dans Astroculture ™ une minuscule fibre de silicone avec laquelle ils ont touché la rose. Mesurant moins d'un centimètre de long , et d'un diamètre ne dépassant pas les deux millimètres , la fibre était enduite d'un liquide spécial auquel adhéraient les molécules présentes à la surface des pétales de fleur.
Après le retour de la navette sur terre, les chercheurs d'IFF ont pris la fibre et ont analysé les molécules qu'ils y ont trouvées.
Ils ont identifié les constituants, ont déterminé les quantités relatives, en vertu de quoi ils ont pu synthétiser la fragrance en laboratoire. Près de deux cents composants déterminent le parfum d'une rose.
Durant la mission STS 95, les astronautes ont prélevé des échantillons à quatre reprises. À chaque fois, ils ont obtenu un résultat différent. La senteur finale est une moyenne de ces quatre échantillonnages, et la nouvelle fragrance a depuis été incorporée dans le parfum "Zen" , de la société japonaise Shiseido.
La collaboration entre IFF et le WCSAR se poursuivra lors de la mission STS-107, qui devrait quitter le pas de tir en janvier 2003. cette fois il va s'agir d'envoyer dans espace deux fleurs différentes, une rose et une fleur de riz, toutes deux prenant place dans le dispositif Astroculture ™.
Tout comme Roméo et Juliette, les deux fleurs ne se quitteront pas un instant. Cette proximité, ajoutée à la faible gravité, devrait modifier leurs émissions de substances volatiles.
Monsieur Mookherjee pensait que la possibilité de mener ce genre de recherche dans l'espace offrait une toute nouvelle dimension à l'étude des fragrances. Et il concluait : "c'est une opportunité fantastique". De celles que Shakespeare, sans doute, aurait lui-même appréciées...
Quelques liens pour aller plus loin
La mission STS 107
International Flavor & Fragrances
Les oeuvres complètes de William Shakespeare