Lueur tardive des sursauts gamma :
En avoir ou pas

article de Didier Jamet
24 FEVRIER 2002

Qui veut gagner des milliards d’années-lumière ? Parmi ces sources lumineuses, le télescope Keck a surpris la lueur tardive du sursaut gamma GRB 971214. Saurez vous la reconnaître ? La grosse tache jaune en haut à gauche ? C’est votre dernier mot ? Joker… Elle est dans le chapelet de trois sources ponctuelles, en bas à droite, et c’est celle du milieu. Les sursauts gamma, répartis uniformément dans toutes les directions du ciel, ne sont jamais là où on les attend…
Qui veut gagner des milliards d’années-lumière ? Parmi ces sources lumineuses, le télescope Keck a surpris la lueur tardive du sursaut gamma GRB 971214. Saurez vous la reconnaître ? La grosse tache jaune en haut à gauche ? C’est votre dernier mot ? Joker… Elle est dans le chapelet de trois sources ponctuelles, en bas à droite, et c’est celle du milieu. Les sursauts gamma, répartis uniformément dans toutes les directions du ciel, ne sont jamais là où on les attend…

Keck Observatory

Chez les Papous, il y a les Papous papas et les Papous pas papas. Chez les sursauts gamma, ces mystérieuses bouffées de rayonnement très énergétiques venues du fin fond de l'Univers, c’est pareil : il y a ceux qui ont une contrepartie optique, et il y a ceux qui n’en ont pas. Mais chez les Papous, il y a aussi des Papous papas à poux, et des Papous papas pas à poux. Et bien du côté des sursauts gamma, ça se complique aussi… Voyons ça de plus près.

Selon une équipe d’astronomes Européens (1), il y aurait en effet du nouveau au royaume des sursauts gamma : les sursauts gamma furtifs, de moins de deux secondes, auraient eux aussi droit aux joies de la lueur tardive, cette contrepartie optique qui semblait jusqu’à présent réservée à leurs grands frères, les sursauts qui durent pas loin de la minute.

La théorie la plus en vogue pour expliquer cette lueur tardive la décrit comme la conséquence de la collision entre l’onde de choc, provoquée par l’explosion à l’origine du sursaut, et le milieu environnant. Mais, comme pour tout ce qui touche aux sursauts gamma, rien n’est sûr. L’intérêt des lueurs tardives associées aux sursauts brefs, c’est que par définition elles sont moins masquées par l’éblouissant rayonnement gamma du sursaut, ce qui permettra peut-être de mieux comprendre le mécanisme de la lueur elle-même, en la surprenant plus tôt.

Mais au fait, comment nos scientifiques ont-ils fait pour détecter cette lueur associée aux sursauts brefs, réputée invisible ? En fait, ils ont d’abord analysé les courbes de lumière corrélées à plusieurs centaines de sursauts brefs tels qu’ils furent détectés par le satellite Compton entre 1991 et 1999. Ils ont eu soin d’écarter tous ceux qui ne présentaient pas un signal assez fort, mettant ainsi toutes les chances de leur côté. En ne retenant que les 76 meilleures courbes de lumière, et en les superposant à la façon de calques, ils ont pu mettre en évidence, sur l’ensemble, une légère surbrillance qui pour eux est la preuve de l’existence d’une lueur tardive associée à chacun de ces événements fugitifs.

Selon Enrico Ramirez-Ruiz, un des chercheurs à l’origine de ces travaux " les caractéristiques de la lumière recueillie suggèrent que ce pic de luminosité est produit par la décélération brutale d’une onde de choc se déplaçant à une vitesse relativiste ( c’est-à-dire proche de celle de la lumière), comme prévu par le modèle de lueur tardive déterminé grâce aux sursauts prolongés ".

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette présence d’une lueur tardive peut-elle laisser supposer que les sursauts courts et longs recouvrent en fait le même type de phénomène, différant simplement par leur durée ? Oui, bien que la preuve soit loin d’en être administrée. Une hypothèse élégante voudrait même que sursauts furtifs et longs aient exactement la même énergie. Seulement, dans le cas des furtifs, l’émission de l’énergie serait moins directionnelle (pour une raison inconnue là encore…) que dans le cas des longs. C’est pourquoi, vus depuis la Terre prise dans le faisceau de rayons gamma, certains nous paraîtraient plus énergétiques que d’autres.

Ces spéculations sophistiquées et contradictoires ne font que souligner une réalité assez inconfortable pour les chercheurs : ils ne savent tout simplement pas ce qui est à l’origine des sursauts Gamma. Aucune théorie ne décrit correctement toutes leurs propriétés, et la première lueur tardive n’a été détectée qu’il y a cinq ans. La théorie des sursauts gamma n’en est en fait qu’à ses balbutiements.

Pour prendre une image, on pourrait imaginer la recherche sur les sursauts gamma comme un vaste chantier archéologique fraichement découvert, où l’on retrouverait une pièce d’or par jour, mais sans réussir à entamer la surface pour trouver le trésor, faute d’outils adaptés : frustrant, mais prometteur.

Le satellite Swift, dont le lancement est prévu fin 2003, devrait être un de ces nouveaux outils.

(1)L’équipe se compose de Davide Lazzati et Enrico Ramirez-Ruiz, de l’institut d’astronomie de l’Université de Cambridge, ainsi que de Gabriele Ghisellini de l’Osservatorio Astronomico di Brera, à Merate.

astronome | astronomie | carte | collision | astronome | astronomie | carte | collision | énergie