article de Didier Jamet
1er FEVRIER 2002
Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Yepun, l’un des quatre télescopes géants européens installés au Chili, vient de réussir des images parmi les meilleures jamais obtenues de Saturne, la planète aux anneaux. Dans sa besace, il a également ramené un cliché de Io, la volcanique Lune de Jupiter. Un grand " chasseur d’étoiles " est né.
Le système d’optique adaptative NAOS qui équipe Yepun est encore en rodage, et c’est durant la seconde partie de ce délicat processus de mise en service que ces images ont été réalisées. Pourtant, ses performances sont déjà exceptionnelles, comme en témoignent les images ci-contre. Elles supportent même la comparaison avec des images prises depuis l’espace.
Ces résultats de premier plan mettent à l’honneur les équipes françaises de l’ONERA, du Laboratoire d’Astrophysique de Grenoble et de l’Observatoire de Paris, qui ont construit NAOS.
Saturne au solstice
L’image de Saturne, la deuxième plus grande planète du système solaire après Jupiter, a été obtenue tandis que l’hémisphère sud de la planète aux anneaux connaissait son solstice d’été. De ce fait, l’inclinaison des anneaux était à son maximum, offrant une vue en contre-plongée sur le pôle sud de Saturne et la face inférieure de son système d’anneaux. Cette zone est relativement mal connue, car elle était plongée dans l’obscurité lors du survol de Saturne par la sonde Voyager en 1982, et n’avait donc pu être photographiée.
Le minuscule point sombre près du pôle sud, visible sur les images à haute définition, est une structure météorologique d’environ 300 kilomètres de long. La première image en lumière visible de ce détail n’a été obtenue que tout récemment, depuis l’Observatoire Français du Pic du Midi, dans les Pyrénées.
La tache claire oblongue près de l’équateur est ce qui reste d’un gigantesque cyclone qui a ravagé l’atmosphère de Saturne pendant plus de 5 ans, et semble aujourd’hui en voie d’accalmie.
Enfin, la richesse et la finesse des détails offerts du système d’anneaux coupe le souffle : on a réellement l’impression de se trouver dans les parages de Saturne, alors que cette image a été prise à 1200 millions de kilomètres !
Thétys en point de mire
Autre détail impressionnant, la présence de Téthys, une des lunes de Saturne, à peine discernable sous le pôle sud de la géante. (mieux visible sur l'image en haute définition disponible ici)
En fait, la prouesse technique que constitue cette image doit beaucoup à ce minuscule satellite de 530 kilomètres de rayon : C’est lui qui a joué le rôle " d’étoile artificielle " sur lequel s’est calibré le système d’optique adaptative NAOS. On a toujours besoin d’un plus petit que soi…
T’as pas un euro ? C’est pour voir Io…
En comparaison, les images de Io sont nettement moins spectaculaires. Pourtant, elles représentaient un défi encore plus grand : vue depuis la Terre, Io recouvre la même superficie de ciel qu’une pièce d’un euro vue à près de 4 kilomètres ! Et c’est ce point minuscule que le VLT est parvenu à magnifier, au point de faire apparaître les détails remarquables de sa surface.
On y distingue par exemple les principaux volcans, Pele, Mulungu, Prometheus et Marduk, ainsi que leurs épanchements de composés sulfurés qui donnent à Io sa couleur si caractéristique, entre orange et rouge. Une image en haute définition donnant la position des principales formations géologiques de Io est disponible ici.
Frictions énergiques
Io a un diamètre de 3660 kilomètres et tourne autour de Jupiter à une distance moyenne de 422 000 kilomètres, ce qui en fait la Lune Jovienne la plus proche de la planète géante. C’est l’endroit le plus volcanique du système solaire, loin devant la Terre. Cette activité volcanique hors du commun est due à l’énorme attraction gravitationnelle de Jupiter, source de frictions internes considérables dans les couches profondes de Io. La hausse de température provoquée par ces frictions liquéfie les roches, lesquelles finissent par s’épancher à la surface.
L’extraordinaire capacité du tandem NAOS/CONICA ( CONICA est la caméra infrarouge avec laquelle ces images ont été réalisées) à cartographier la surface de Io permettra aux astronomes de suivre en détail l’activité volcanique de Io sur de longues période de temps. Le vaisseau Galileo peut s’éteindre en paix, le VLT prend la relève.