article de Didier Jamet
16 DECEMBRE 2003
On déplore assez que l’Europe soit une entité parfaitement abstraite pour bon nombre d’européens, un conglomérat de pays bénéficiant certes d’héritages culturels proches, mais qui ne s’envisageraient pas sérieusement d’avenir commun au-delà du marché du même nom. Il est pourtant un domaine où l’Europe sait faire preuve d’excellence et de vision lorsqu’elle s’en donne les moyens : l’espace. Dans ce contexte, l’annonce de l’abandon de la mission Eddington début novembre apparaît comme un renoncement incompréhensible, alors que l’Europe jouait jusqu’à présent à jeu égal avec les Etats-Unis dans la recherche des nouveaux Mondes.
Demain 17 décembre 2003 se tient un conseil de l’Agence Spatiale Européenne. Bon nombre de scientifiques espèrent ainsi que la décision rendue en novembre par le comité des programmes soit amendée, et que d’autres solutions soient trouvées pour qu’Eddington retrouve la place qui lui est due dans les prochaines grandes missions européennes.
Quel est l’enjeu exact d’Eddington ? Rien moins que la découverte autour d’autres étoiles de planètes en tout point semblables à la Terre, et donc susceptibles d’abriter la vie.
C’est l’Europe qui, en 1492, a découvert le " Nouveau Monde " d’alors, l’Amérique. L’Europe a aujourd’hui encore la possibilité de découvrir avant tout le monde les " Nouveaux Mondes du Cosmos ", comme les décrit si bien Michel Mayor dans son livre du même titre. Rappelons que Michel Mayor, astronome Suisse travaillant alors depuis l’observatoire de Haute-Provence, a découvert en 1995 la première exoplanète autour de 51 pégase, alors que les américains s’étaient fixé cet objectif depuis bien longtemps. Ils n’ont d’ailleurs jamais digéré cet affront, et le fair-play des premières déclarations a bien vite laissé place à une rivalité sans merci, où tous les coups médiatiques sont permis.
Alors que nous disposons d’une réelle avance sur les Américains, que de nombreuses équipes Européennes sont impliquées dans Eddington, peut-on imaginer que l’Europe capitule en rase campagne et laisse le champ scientifique le plus prometteur de ce siècle aux Américains ? Nous ne le pensons pas.
Peut-être qu’aucune solution ne sera trouvée demain, qu’une fois de plus les égoïsmes nationaux et les pénibles querelles de chapelle masqueront l’essentiel. Il restera alors après-demain, et les prochaines réunions des ministres européens concernés début 2004. Mais si l’Europe veut fournir autre chose à la science du XXIe siècle que les applaudissements pour les découvertes américaines, elle ne peut se payer le luxe d’abandonner Eddington.
