article de Didier Jamet
2 SEPTEMBRE 2003
L’été a bien failli se terminer sans que nous ayons eu la moindre menace venue de l’espace pour frissonner sous la canicule, ce qui aurait été un précédent fâcheux. Fort heureusement, voici 2003 QQ 47 et son cortège de comparaisons catastrophistes, où l’on évoque pêle-mêle " 20 millions de bombes atomiques d’Hiroshima " et le cruel destin des dinosaures. Pauvres bêtes.
La vérité est que 2003 QQ 47 ne représentera sans doute jamais un quelconque danger pour notre planète, pas plus le 21 mars 2014 que le 22 mars 2067, ni même au printemps 2099. Découvert le 24 août dernier, les scientifiques disposent d’à peine plus d’une semaine de données sur les éléments de la trajectoire de 2003 QQ 47, et sa probabilité d’impact est déjà ridiculement faible : une chance sur 1 million. Autant dire qu’il a à peu près autant de chances de toucher Mercure, Mars ou Vénus que la Terre.
S’agissant du niveau de risque représenté par cet astéroïde, il est pour le moment classé au niveau 1 de l’échelle de Turin (" l’échelle de Richter " des astéroïdes susceptibles de heurter notre planète), laquelle compte 11 échelons. Quant à avancer une estimation de l’énergie dégagée par cet improbable impact alors que le diamètre de l’astéroïde est très incertain (estimé entre un et trois kilomètres) et que sa composition est parfaitement inconnue, c’est tout simplement une vaste fumisterie.
Selon toute vraisemblance, 2003 QQ 47 connaîtra bientôt le même sort ingrat que son prédécesseur de l’été dernier, le " redoutable " 2002 NT 7, lequel devait éradiquer toute trace de vie sur Terre en 2019 : Au fur et à mesure de l’accumulation des données, les contours de sa trajectoire ont été précisés, et on s’est finalement rendu compte que, à chacune de ses prochaines approches, il croisera largement à l’écart de notre planète : 2002 NT7 passera en définitive au plus près de la Terre non pas en 2019 mais le 30 janvier 2020, et pas à moins de 4 millions de kilomètres, soit plus de 10 fois la distance Terre-Lune.
Céleste messager du grand tirage…
Alors pourquoi faut-il régulièrement, de préférence l’été, qu’un média annonce en une qu’un " astéroïde géant pourrait frapper la Terre " prochainement ? Le sensationnel fait vendre, c’est entendu, ce qui est toujours bien venu en cette saison de basses eaux éditoriales. Mais au-delà de ces éventuelles considérations mercantiles, il y a un grand malentendu sur la signification de l’apparition de ces objets sur les pages " d’alerte " des différents organismes chargés de les repérer. Ces " alertes " n’ont rien d’alarmant, elles servent juste à attirer l’attention des autres observatoires dans le monde, afin que tous contribuent le plus rapidement possible à déterminer la trajectoire exacte de l’objet nouvellement découvert.
Une menace pourtant bien réelle
Sommes-nous pour autant définitivement à l’abri de " recevoir le ciel sur la tête " comme le redoutaient tant nos ancêtres ?
Absolument pas. Le 25 septembre 2002, un objet céleste de nature encore indéterminée a embrasé le ciel de Sibérie dans un fracas ressenti à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. Le caractère inhabité et hostile des contrées au-dessus desquelles l’événement s’est produit n’a pas encore permis de déterminer ses éventuels effets au sol, mais son énergie a tout de même été estimée à 0,2 kilotonnes de TNT. De quoi faire beaucoup de dégâts dans l’hypothèse où la zone survolée aurait été plus peuplée.
Aussi l’humanité toute entière gagnerait à ce que les efforts entrepris actuellement pour le recensement des astéroïdes géocroiseurs de grande taille soient suffisamment prolongés dans le temps, afin qu’aucun objet supérieur à 20 mètres de diamètre ne nous soit inconnu.
Mais est-ce en criant " au loup ! " à la moindre découverte d’astéroïde que l’on sensibilisera mieux l’opinion publique à ce qui peut devenir un jour un vrai problème de sécurité civile ? Si l’on en croit l’histoire d’un certain berger finalement abandonné à son triste sort par des villageois lassés de ses fausses alertes, rien n’est moins sûr.