Nasa : Que la force (nucléaire) soit avec nous!

article de Philippe Dagneaux
22 MAI 2002

Avant Pluton et la ceinture de Kuiper, Mars sera peut être la première planète à recevoir la visite d\'un vaisseau à propulsion nucléaire, tel celui-ci, conçu pour être animé par 3 fusées thermonucléaires.
Avant Pluton et la ceinture de Kuiper, Mars sera peut être la première planète à recevoir la visite d'un vaisseau à propulsion nucléaire, tel celui-ci, conçu pour être animé par 3 fusées thermonucléaires.

Nasa

Comment explorer le système solaire, notamment ses plus lointaines contrées, sans être obligé d’attendre dix ou quinze ans entre le lancement et le recueil des premières données sur place ? La NASA veut imposer une réponse qui lui semble logique : il faut des moteurs nucléaires sur tous les vaisseaux ou sondes à destination de Pluton ou de la ceinture de Kuiper !

Pas des générateurs comme ceux qui équipent les Voyager, Galileo et autre Cassini. Mais des engins nouveaux, performants, qui fourniront dix ou vingt fois plus d’énergie que ceux issus de la recherche des années soixante.

En matière de propulsion spatiale en effet, l’agence américaine de l’espace –tout comme ses homologues de par le monde d’ailleurs – n’a fait aucun progrès sur ce problème depuis plus de quarante ans (si l’on excepte le superbe vol de la sonde Deep Space 1).

Ed Weiler, le patron du programme scientifique de la NASA, est bien obligé d’en convenir : « Depuis les années soixante, la NASA a exploré le système solaire de la même manière :Vous accélérez durant 5 ou 15 minutes, et après plus rien… et ça coûte, et ça coûte, et ça coûte. Ce n’est pas comme cela que l’on conduit un tel programme. C’est comme si l’on avait voulu conquérir l’Ouest avec des voitures à pédales ! ».

Car curieusement, ce sont les gestionnaires qui parlent, non les scientifiques. Sean O’Keefe, le nouvel administrateur de la NASA, a d’ailleurs été nommé pour cela par le président Bush. Et c’est en sacrifiant la sonde Pluton-Ceinture de Kuiper et l’orbiteur d’Europa que les comptables ont été chercher les fonds pour mener à bien les recherches en matière de nucléaire spatial.

Deux voies principales vont être suivies dans plusieurs laboratoires, comme à Los Alamos. Le premier travail est de (ré)inventer les générateurs radioisotopiques – ou RTG -, dont le plus ancien exemplaire se balade à 8 milliards de kilomètres de la Terre et fournit encore 2 watts (!) à Pioneer-11.

Une autre technologie, les générateurs Stirling – du nom de l'inventeur du principe en 1827, le pasteur écossais Robert Stirling -, sera l’objet de toutes les attentions, non seulement pour équiper les rovers martiens, mais également pour fournir de l’énergie aux missions planétaires de longue durée.

Les vieux métiers d'autrefois menacés de disparition: chercheur en propulsion nucléaire

Bien évidemment, les dirigeants de la NASA et les directeurs de laboratoires sont très satisfaits de cette inflexion de la politique énergétique de l’agence américaine. Outre les implications financières d’un tel projet – « Cela durera longtemps et coûtera cher », a averti Gary Bennett, un consultant en nucléaire de la NASA -, cette impulsion spécifique permettra aux étudiants de choisir un secteur d’avenir : « Si l’on avait continué à se désintéresser du nucléaire, il n’y aurait bientôt plus personne pour enseigner ces matières et tout serait à réinventer », note Gerald Kulcinsky, de l’Université du Wisconsin.

Mais aux Etats-Unis, qui dit nucléaire spatial dit… contestataires ! Ceux-ci n’ont pas attendu pour faire entendre leur voix à ce sujet. Pour Bruce Gagnon, coordinateur du Global Network Group – une association qui refuse les armes et l’énergie nucléaires dans l’espace -, il est évident que ces recherches n’ont que peu à voir avec l’exploration de l’espace : « Nous savons que le développement des générateurs nucléaires aura des applications militaires ».

Et de fait, pour installer des armes laser dans l’espace, dans le cadre du programme NMD (National Missile Defense), le Pentagone doit disposer de puissantes sources d’énergie pour alimenter ces armes orbitales. Comme toute force, l’énergie nucléaire a son côté obscur…

La NASA se donne plus de dix ans pour mener à bien cet ambitieux programme. Encore faut-il qu’il ne soit pas, un jour ou l’autre, retardé ou stoppé par de nouvelles coupes claires budgétaires. Il est vrai que les gestionnaires auraient tort de se gêner : tout le monde sait qu’il n’y a que les scientifiques et les opérationnels qui ne font que coûter de l’argent !

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