Mettez un moteur de navette dans votre PC !

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
8 NOVEMBRE 2002

Un moteur de navette subit un test de mise à feu à pleine puissance au centre Spatial Stennis
Un moteur de navette subit un test de mise à feu à pleine puissance au centre Spatial Stennis

Nasa

Les moteurs principaux de la navette spatiale sont les propulseurs chimiques les plus performants au monde. Dans la nuit du 8 au 9 novembre, vous pourrez assister en direct sur Internet à la mise à feu de l’un de ces monstres de puissance.

Première partie

Ils sont capables de soulever une charge de 170 tonnes et d’aller plus vite qu’une balle de fusil. Ils consomment un carburant plus froid que l’espace interstellaire, et pourtant leur tuyère est portée à une température équivalente à celle d’une étoile. Quand ils s’y mettent à trois, ils libèrent autant de puissance que 23 grands barrages hydroélectriques.

Ce sont les moteurs principaux de la navette spatiale.

Ceux qui ont eu la chance de voir la navette décoller et atterrir un grand nombre de fois auraient de bonnes raisons de croire que la technologie employée est quelque peu rustique. Sinon, comment serait-il possible d’obtenir une telle fiabilité ?

Et pourtant, l’ingénieur Everett Runkle nous confirme que les moteurs de la navette sont à la pointe de ce qui se fait actuellement dans le domaine de la propulsion spatiale.

« Ces moteurs sont tout simplement les plus performants que vous puissiez trouver sur Terre » poursuit-il. Ils ont une impulsion spécifique de 450 secondes. Plus qu’aucune autre fusée chimique. « Si on voulait obtenir une meilleure combinaison de puissance et de rendement, il faudrait passer à la propulsion nucléaire. »

Mais ce qui est peut-être plus étonnant encore, c'est leur endurance à toute épreuve.

Un seul exemple suffit à le démontrer: la plupart des moteurs fusées finissent leurs jours au fond de l'océan ou sont désintégrés au-dessus de zones désertiques. "Ils n'ont pas été conçus pour faire plusieurs voyages" explique Runkle. "Ils envoient leur charge utile dans l'espace puis retombent sur Terre." Les fusées du programme Apollo sont une bonne illustration de cette pratique.

"Quand nous lancions les fusées Saturn V du programme Apollo" rappelle-t-il, "les deux premiers étages étaient largués durant l'ascension. Ils finissaient dans l'Océan Pacifique. Le troisième étage, le S-IVB, était soit précipité vers la Lune, soit envoyé en orbite autour du Soleil."

A contrario, les moteurs principaux de la navette spatiale ne sont pas jetables. "Ils reviennent intacts après chaque voyage" affirme-t-il. La plupart d'entre eux ont déjà une vingtaine de missions à leur actif, certains plus, et ils ont été conçus pour effectuer une centaine de décollages.

Un moteur de navette, comment ça marche ?

"C'est un peu comme un moteur de voiture" répond Runkle. "dans une automobile, l'essence est injectée avec de l'air dans une chambre de combustion où l'étincelle d'une bougie enflamme le mélange.L'explosion pousse un piston, ce qui produit un travail qui va permettre d'animer la voiture."

La navette utilise cependant un carburant très différent: de L'hydrogène liquide (LH2) et de l'oxygène liquide (LO2). Les deux sont vaporisés en une fine brume dans la chambre de combustion où une bougie un peu spéciale allume le mélange. À partir de là, c'est une combustion ininterrompue alimentée par un jet continu de gouttelettes de LH2 et LO2."

La température dans la chambre de combustion peut atteindre 3300 degrés celsius, soit à peu près la même température de surface qu'une étoile de classe M.

C'est d'ailleurs assez paradoxal lorsque l'on rapproche cette température de celle de l'hydrogène liquide utilisé comme carburant, stocké à - 253 degrés celsius, ce qui le rend plus froid que l'essentiel du gaz qui remplit le milieu interstellaire. L'oxygène liquide est lui stocké à - 183 degrés, température qu'on pourrait qualifier de clémente comparée à celle de l'hydrogène, mais qui dans l'absolu reste terriblement froide.

Les gaz brulants s'échappent par la tuyère du moteur, ce qui produit une poussée en sens inverse. Les gaz d'échappement sont essentiellement constitués de vapeur d'eau, ce qui explique la blancheur des nuages de fumée qui envahissent le pas de tir durant un lancement. Cela fait dire à Runkle que "nos moteurs sont très propres, ils ne polluent pas l'environnement."

Bien que les moteurs de la navette soient le nec plus ultra des fusées chimiques, les ingénieurs de la NASA travaillent continuellement à les améliorer. Et c’est tant mieux, car ce soir cela sera l’occasion d’un son et lumière assez inhabituel.

Tous les détails pour être aux premières loges dans la suite de cet article, « le progrès fait rage ! » (lien ci-dessous)

Dans notre dictionnaire de l'astronomie...

"La nuit étoilée à Saint-Remy", de Van Gogh.<br>Pour voir l'Univers tel qu'il est, il faut soit la rigueur du scientifique, soit la sensibilité de l'artiste.Tout le reste n'est qu'illusion...
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