Le poids, c'est de l'argent

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Patrick L. Barry
traduction de Didier Jamet
25 SEPTEMBRE 2002

Le poids au décollage de cette fusée Saturn V du programme lunaire gavée de carburant avoisinait les 3 millions de kilogrammes. Très lourde, donc très chère à lancer.
Le poids au décollage de cette fusée Saturn V du programme lunaire gavée de carburant avoisinait les 3 millions de kilogrammes. Très lourde, donc très chère à lancer.

Kennedy Space Center

Les défis à relever pour la prochaine génération de vaisseaux spatiaux découlent de quelques données élémentaires. En premier et avant tout, bien sûr, vient le coût.

"À supposer que tous les obstacles techniques soient aujourd'hui résolus, explorer notre système solaire ne pourrait se faire que si cela était réalisable à un coût raisonnable," nous confirme le docteur Neville Marzwell, responsable des technologies spatiales révolutionnaires au sein de l'équipe de la planification décennale de la NASA.

Abaisser le coût du vol spatial signifie fondamentalement réduire le poids. Chaque kilo gagné est un kilo qui ne nécessitera pas de carburant pour échapper à la gravité terrestre. Des vaisseaux plus légers peuvent se contenter de moteurs plus légers, plus efficaces et moins voraces en carburant.

En retour, cela permet d'économiser encore plus de poids, induisant un cercle vertueux de diminution du poids et de réduction des coûts.

Le vrai défi consiste à réduire le poids tout en augmentant la sécurité, la fiabilité, et la fonctionnalité. Perdre des pièces au décollage n'est pas une bonne façon de résoudre le problème.

Les scientifiques explorent une gamme de nouvelles technologies qui pourraient aider les vaisseaux à maigrir.

Par exemple, des matériaux arachnéens - en fait des films ultra-fins - pourraient être utilisés en guise d'antennes ou de panneaux photovoltaïques, en lieu et place des volumineux composants aujourd'hui en usage, et pourraient même constituer de vastes voiles solaires qui assureraient la propulsion tout en ne pesant que 4 à 6 g au mètre carré.

Les matériaux composites, comme ceux utilisés dans les clubs de golf et les raquettes de tennis en fibre de carbone, ont déjà fait beaucoup pour aider à réduire le poids des composants spatiaux sans compromettre la résistance.

Mais une nouvelle forme de carbone appelée "nanotubes de carbone" promet de fantastiques améliorations dans le domaine des composites : ramenée à leur poids, les meilleurs matériaux composites ont trois ou quatre fois la résistance de l'acier. Les nanomètres ont 600 fois cette résistance !

"Cette résistance phénoménale des nanotubes provient de leur structure moléculaire," nous explique Dennis Bushnell, scientifique du centre de recherches Langley (LaRC) , le pôle d'excellence de la NASA en recherche sur les matériaux.

Ils ressemblent un peu à un grillage de poulaillers roulé en cylindre, avec un atome de carbone situé à chaque sommet des hexagones.

les nanotubes mesurent typiquement entre 1,2 et 1,4 nanomètres de long (un nanomètre représente un milliardième de mètre) , ce qui correspond à seulement dix fois le rayon d'un atome de carbone.

Les nanotubes n'ont été découverts en 1991, mais l'énorme intérêt qu'ils ont suscité dans la communauté scientifique a déjà permis de faire énormément avancer notre capacité à créer et à utiliser des nanotubes.

Il y a seulement deux ou trois ans de cela, les plus longs nanotubes jamais fabriqués ne dépassaient pas les 1000 nanomètres de long (un micron). Aujourd'hui, les scientifiques sont capables de faire croître des tubes jusqu'à 200 millions de nanomètre (20 cm).

Bushnell fait remarquer qu'il y a au moins cinquante-six laboratoires à travers le monde qui travaillent pour produire en masse ces minuscules tubes.

" On réalise actuellement de grands progrès. Aussi la perspective de disposer de grandes quantités de matériaux de construction à base de nanotubes devient réaliste," affirme Bushnell.

"Ce que nous ignorons, c'est ce qui restera de cette résistance égale à 600 fois celle de l'acier une fois les nanotubes regroupés. Mais les nanotubes n'en restent pas moins notre meilleure chance."

Au-delà d'être simplement résistants, les nanotubes seront probablement cruciaux pour un autre aspect de la perte de poids des vaisseaux spatiaux : disposer de matériaux qui peuvent remplir plusieurs fonctions.

"Nous avions pour habitude d'utiliser des structures inertes, à la fois soutien structurel mais aussi poids mort des parties actives , tels que les capteurs ,les processeurs et les instruments," explique Marzwell.

"Maintenant, nous n'en avons plus besoin. Le soutien structurel peut devenir une partie entièrement active du système."

Imaginez que l'enveloppe d'un vaisseau spatial puisse aussi emmagasiner de l'énergie, supprimant du même coup le besoin d'embarquer de pesantes batteries. Imaginez encore que ses surfaces se courbent d'elles-mêmes, sans avoir besoin d'actuateurs. Ou que les circuits de contrôle fassent partie intégrante de l'enveloppe du vaisseau.

À partir du moment où on peut agir sur les matériaux à l'échelle moléculaire, des structures aussi hautement intégrées deviennent possibles.

Suite de cet article: Ce que les vaisseaux auront dans la peau (lien ci-dessous)

Dans notre dictionnaire de l'astronomie...

Voici la représentation classique d’un atome d’hélium. Son noyau est constitué de deux neutrons et de deux protons. Il est entouré de deux électrons situés dans le nuage électronique.
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