Satellites en eaux troubles

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Patrick L. Barry
traduction de Didier Jamet
5 SEPTEMBRE 2002

Une mince bande de terre sépare le goulet de Pamlico en Caroline du Nord de l’Océan Atlantique. Les zones humides de cette région sont vitales pour l’activité des pêcheries et la qualité de l’eau.
Une mince bande de terre sépare le goulet de Pamlico en Caroline du Nord de l’Océan Atlantique. Les zones humides de cette région sont vitales pour l’activité des pêcheries et la qualité de l’eau.

Modis – Nasa Visible Earth

Désolé pour les amateurs du genre, cet article n’esquisse pas l’intrigue d’un complexe roman d’espionnage, mais s’intéresse à des questions parfaitement terre-à-terre : La qualité de l’eau de votre base de loisirs est-elle compatible avec une activité nautique ? Pourrez-vous consommer sans risques les poissons que vous y pêcherez ? Les satellites vous aideront bientôt à le savoir.

Des dizaines de barques de pêcheurs glissent au ras de l’eau, leur silhouette basse se détachant sur les cyprès qui bordent les rives du lac à l’arrière plan. À leur bord, de fiers pêcheurs qui ne sont pas nés de la dernière pluie. C’est le concours annuel des pêcheurs à la perche que tout le monde attendait… et pourtant les poissons ne sont pas au rendez-vous.

Tirant sur le bord de son chapeau de pêche usé jusqu’à la corde, un pêcheur à la ligne vétéran regarde le ciel bleu au-dessus de lui, les ondulations légères à la surface du lac, puis les formes caractéristiques que dessinent troncs d’arbres et roseau au bord de l’eau.

Ayant senti une touche, il embraye son moulinet et se laisse glisser doucement vers une anse minuscule où se tient certainement hors de sa vue un poisson qui lui permettra de gagner le concours.

Et de fait, il y a bien quelque chose qui se tient là. Mais ce n’est pas une perche.

Au fond du lac, enterré dans le sable et la vase, se trouve tout l’éventail des différents produits chimiques nocifs accumulés au cours des 100 dernières années d’activité industrielle de la région.

Les hélices des bateaux les remuent périodiquement, tout comme le font les vagues soulevées par le vent. Le pêcheur ne remarque rien de ce qui est en train de se produire, contrairement à un satellite passant quelque 300 kilomètres au-dessus de sa tête. Le satellite prend une image du lac et renvoie les données vers la Terre, où les chercheurs remarquent des zones humides qui sont moins réfléchissantes que d’habitude – un effet du brassage des sédiments.

La municipalité et les chargés de l’environnement sont impatients de disposer des données. Ils espèrent qu’elles aideront à répondre à un certain nombre de réponses essentielles : Les légendaires perches du lac ont-elles bien leur place dans les assiettes du dîner ? Quelles quantités de sédiments en provenance des affluents se déversent dans le lac ? Les polluants enfouis dans une portion du lit du lac proche d’une papeterie industrielle désaffectée sont-ils une menace pour les nageurs barbotant à l’autre extrémité du lac ? Et pourquoi le concours de pêche de cette année est-il un désastre ?

En fait à l’heure actuelle, il va leur falloir attendre encore un peu. Les vues des eaux troubles brassées prises par les satellites (les scientifiques parlent de sédiments remis en suspension) ne sont pas encore capables de répondre à ces questions.

Pour le moment, le suivi des sédiments est fait à la main, une gageure pour les pièces d’eau couvrant des centaines ou des milliers d’hectares. Les données récoltées sur quelques points de contrôle, nécessairement parcellaires, ne fournissent qu’un pale reflet de ce qui se passe vraiment.

Pour ne prendre que l’exemple des Etats-Unis, il y à des dizaines de bonnes raisons de suivre le brassage des sédiments. La collecte des fruits de mer dans les baies du Nord-est par exemple, est directement affectée par le niveau de sédiments. Il en est de même de la riche biodiversité des estuaires côtiers. En apportant un surcroit de nourriture au phytoplancton microscopique des eaux d’un lac, les sédiments peuvent déclencher la prolifération d’algues qui étouffent la faune et le reste de la flore.

Suite de cet article : Autant en apporte le vent
(lien ci-dessous)

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