Curiosity détecte des pics de méthane sur Mars

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
18 DECEMBRE 2014

Cette image illustre quelques-uns des processus susceptibles de produire le méthane dans l\'atmosphère martienne : libération par des clathrates, réactions chimiques entre olivine et eau, action des ultraviolets sur de la matière organique apportée par des météorites. Reste la plus fascinante possibilité : des bactéries qui seraient encore en vie sur Mars (ou plus probablement sous la surface) en ce moment, et continueraient de métaboliser le CO2 abondant sur Mars pour se nourrir.
Cette image illustre quelques-uns des processus susceptibles de produire le méthane dans l'atmosphère martienne : libération par des clathrates, réactions chimiques entre olivine et eau, action des ultraviolets sur de la matière organique apportée par des météorites. Reste la plus fascinante possibilité : des bactéries qui seraient encore en vie sur Mars (ou plus probablement sous la surface) en ce moment, et continueraient de métaboliser le CO2 abondant sur Mars pour se nourrir.

NASA/JPL-Caltech/SAM-GSFC/Univ. of Michigan

Le rover Curiosity a mesuré un pic brutal de concentration en méthane, une molécule organique, dans l'atmosphère martienne et a également détecté d'autres molécules organiques dans un échantillon de poudre de roche collecté par la foreuse du rover.

« Cette augmentation brusque et temporaire de la concentration en méthane nous dit clairement qu'il doit s'agir d'une source plutôt locale » confie Sushil Atreya de l'Université du Michigan Ann Arbor et qui fait partie de l' équipe scientifique du rover « De nombreuses sources peuvent l'expliquer, d'origine biologique ou non, comme de simples interactions entre l'eau et la roche. »

Les chercheurs ont utilisé l'instrument SAM une dizaine de fois en l'espace de 20 mois afin d'humer l'atmosphère martienne à la recherche de méthane. Durant deux de ces mois, fin 2013 et début 2014, quatre relevés ont indiqué la présence de 7 parties de méthane par milliard de molécules. Avant et après, on ne relevait qu'un dixième de cette valeur.

Curiosity a également détecté différents composés organiques martiens dans un échantillon de roche broyée extraite de la roche Cumberland. Il s'agit de la première détection confirmée de matière organique à la surface de Mars. Ils se sont soit formés sur Mars, soit ont été apportés par des météorites.

Dire d'une molécule qu'elle est organique signifie qu'elle contient du carbone et généralement de l'hydrogène. Les molécules organiques constituent à ce titre les briques élémentaires du vivant, même si elles peuvent parfaitement exister en dehors de tout écosystème.

Les découvertes de Curiosity dans ces échantillons de roche et d'atmosphère ne permettent donc pas de confirmer que Mars a un jour hébergé des organismes vivants, mais jette une nouvelle lumière sur une planète rouge chimiquement active récemment et sur les conditions favorables à la vie qui y régnaient jadis.

« Nous continuerons à travailler sur les énigmes que constituent ces découvertes » confie John Grotzinger, responsable scientifique de la mission et travaillant pour le Caltech. « Pouvons nous en apprendre plus sur les processus chimiques responsables de ces fluctuations de la concentration en méthane dans l'atmosphère ? Pouvons nous trouver des roches où des composés organiques identifiables ont été préservés ? »

Les chercheurs ont passé de nombreux mois à déterminer avec certitude si les matériaux organiques détectés dans l'échantillon Cumberland provenaient bien de Mars. Il a été démontré que certains prélèvements avaient été contaminés par des éléments organiques amenés depuis la Terre par le rover lui-même. Mais il a été également démontré que parmi les composés organiques observés, certains ont indubitablement été collectés sur Mars.

Soit, mais lesquels exactement ? La réponse à cette question est compliquée par le fait que la surface martienne contient aussi du perchlorate. Quand il est chauffé dans les fours de SAM, le perchlorate altère la structure même des composés organiques, rendant incertaine leur identification.

« Cette première confirmation de présence de composés organiques dans une roche martienne est riche de promesses » confirme Roger Summons, du MIT. « Les composés organiques sont essentiels car ils peuvent nous permettre de retracer le chemin par lequel ils se sont formés et ont été préservés. Ils nous en apprennent aussi beaucoup sur les différences entre Mars et la Terre et si l'environnement particulier constitué par les roches sédimentaires du cratère Gale était plus ou moins favorable à l'accumulation de matière organique. Le défi pour nous consiste à présent à trouver d'autres roches présentant un éventail plus large de composés organiques. »

Les chercheurs ont également indiqué qu'après avoir goûté l'eau martienne qui a laissé sa trace dans les minéraux de la roche Cumberland, laquelle se trouvait probablement au fond d'un lac il y a 3 milliards d'années, Curiosity a déterminé que Mars avait déjà perdu l'essentiel de son eau bien avant que le lac ne se forme, processus qui s'est poursuivi par la suite.

SAM a analysé les isotopes de l'hydrogène des molécules d'eau piégées dans les roches depuis des milliards d'années et libérées par la chaleur dans le four de SAM, livrant de nombreuses informations sur l'histoire de l'eau sur Mars. Le rapport deutérium (un isotope lourd de l'hydrogène) sur hydrogène courant est un bon indicateur de l'histoire de l'eau sur une planète.

Si le rapport Deutérium/Hydrogène a changé sur Mars, c'est parce que l'hydrogène normal, plus léger, s'est plus facilement échappé de l'atmosphère martienne. Le rapport que Curiosity a trouvé dans la roche Cumberland est la moitié de celui qu'il est actuellement dans les rares molécules d'eau qu'on trouve encore dans l'atmosphère martienne. On peut donc en déduire que l'essentiel de la perte d'eau par Mars a eu lieu depuis la formation de cette roche, qui a eu lieu entre 3,9 et 4,6 milliards d'années de cela.

Cependant, le rapport mesuré est trois fois plus élevé que le rapport original dont était dotée Mars, si on accepte l'idée raisonnable selon laquelle Mars et la Terre avaient reçu au départ la même dotation en isotopes de l'hydrogène. On comprend donc que le processus de perte de l'eau martienne avait débuté bien avant la formation de la roche, et en vastes proportions.

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