Deuxième partie

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Trudy E. Bell
traduction de Didier Jamet
10 AOUT 2002

Ce à quoi pourrait ressembler les premiers centimètres du sol martien vus en coupe, avec une couche riche en glace d\'eau sous 50 centimètres de poussières rougeatres
Ce à quoi pourrait ressembler les premiers centimètres du sol martien vus en coupe, avec une couche riche en glace d'eau sous 50 centimètres de poussières rougeatres

Frassanito et Associés

Une minute avant midi et demi, heure martienne, il parvint au sommet d’une butte où s’entrecroisait tout un réseau de ruissellement asséché qui s’éloignait en serpentant le long du versant nord. Le spectromètre à neutron dont était équipé le robot tout-terrain se mit à carillonner : il avait détecté une concentration massive d’hydrogène – probablement de la glace d’eau – à faible distance dans le sol. Il était satisfait de la vitesse à laquelle il y était arrivé. À ce rythme, il devait être capable de prélever des échantillons sur quelques hauteurs environnantes, et rentrer au camp de base pour 6 heures où un dîner chaud l’attendrait.

Quelque peu éreinté par cette promenade plutôt physique, il tira quelques gorgées de la réserve d’eau de sa combinaison. Ça fit le même bruit que lorsque vous videz le fond d’un verre avec une paille. Intrigué, il réessaya. Il avait rempli la réserve le matin même – ça aurait dû marcher. Puis il se rappela. Ce bruit de vaisselle cassée tout à l’heure dans le cratère, c’était sûrement sa bouteille d’eau. Il tâtonna et dévissa le cylindre. Il était fendu… et vide.

L’explorateur avait poussé sa chance trop loin, et le résultat était là : il avait eu un pépin, et il était seul. C’est le biologiste du camp de base qui avait raison. Et il n’avait pas fini d’en entendre parler, au moins durant les deux ans à venir.

Il passa rapidement la langue sur ses lèvres desséchées. Même dans une combinaison spatiale, la déshydratation est une menace permanente dans l’atmosphère arctique desséchée de Mars. Le simple fait d’y penser lui donnait encore plus soif. Règle le problème s’ordonna-t-il à lui même. Il glissa la main dans le sac de fournitures du Husky et en ressortit un petit rouleau de bande hydrofuge pour canalisations – pas exactement le modèle que vous trouvez en magasin, mais qu’ici personne n’oublie quand on s’éloigne du camp de base. Quelques instants plus tard la bouteille était de nouveau étanche. Cependant elle était toujours vide, et il avait besoin de la remplir. Mais comment ?

Il baissa le regard vers le sol. Sans son casque, il se serait sans doute tapé le front. Bon sang mais c’est bien sûr ! Ce dont il avait besoin se trouvait juste là, sous ses pieds.

Il mit en route la foreuse du robot tout terrain, et attaqua le sol rougeatre. Les vingt premiers centimètres furent vite atteints –ça avait la consistance légère du sable poudreux, redevenu sec après avoir pris forme encore humide.

Cependant à 50 centimètres de profondeur, la foreuse ralentit tandis qu’elle attaquait une couche aussi dense que de l’argile.

L’explorateur retira le trépan et s’agenouilla pour examiner le forage. La boue martienne était d’un genre très différent des couches de permafrost que l’on rencontre dans l’arctique terrestre où la glace brille sous forme de cristaux distincts à l’intérieur du sol. Ce qu’il avait sous les yeux lui rappelait plutôt des cendres volcaniques compressées. (il avait jadis fait courir sa main nue le long de telles structures sur les pentes d’un volcan basaltique primitif en Islande, le mont Hekla. Sur Mars, il n’eut pas l’inconscience de retirer son gant.).

Tout cela semblait affreusement sec. Mais malgré tout, la belle texture aérée lui évoquait un sorbet et laissait espérer que 40 à 50 % de son volume était constitué de glace.

Bon point, pensa l’explorateur – il n’avait jamais éprouvé une telle soif. Et de surcroît, il ne voulait pas s’avouer vaincu.

Précautionneusement, il versa le dense échantillon à l’intérieur du four-analyseur en phase gazeuse du robot, où il se retrouva hermétiquement scellé et mis sous pression. La chambre semblait ridiculement petite – après tout elle avait été uniquement prévue pour des analyses scientifiques. Mais il espéra qu’elle fournirait au moins de quoi étancher sa soif grandissante.

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