Trous noirs Piranhas

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
28 JUILLET 2007

Vue d\'artiste d\'un trou noir supermassif engloutissant la matière environnante
Vue d'artiste d'un trou noir supermassif engloutissant la matière environnante

NASA/CXC/M.Weiss

Au cœur de notre galaxie, la Voie Lactée, est tapi un extraordinaire trou noir, si grand que les astronomes le qualifient de " supermassif ". Il se repaît depuis si longtemps du noyau de notre galaxie qu’il a accumulé dans son minuscule ventre une masse dépassant le million de Soleil.

Comment les astronomes savent tout cela ? Par définition, on ne peut pas voir un trou noir. Mais il se révèle à chaque fois qu’une étoile en errance ou un nuage de gaz s’aventure trop près : la matière tombant dans un trou noir est désintégrée et surchauffée, ce qui lui fait émettre de bouffées de radiation de haute énergie juste avant qu’elle ne disparaisse au-delà de l’horizon du trou noir. De temps à autre, un rot de rayons X émane du noyau de la galaxie, et les astronomes voient passer un nouveau plat.

De nos jours, ces rots sont plutôt rares, mais parmi les astronomes, nombreux sont ceux qui pensent que le " monstre du milieu " de la Voie Lactée était jadis beaucoup plus actif. Terriblement plus. Paul Martini, de l’Ohio State University (OSU) nous explique pourquoi : " il y a des milliards d’années de cela, alors que notre galaxie était encore en enfance, il y avait beaucoup plus de " nourriture " au centre de notre galaxie, c’est à dire plus d’étoiles et de gaz susceptibles d’être engloutis par le monstre. " Il n’est pas loin de penser que le centre de notre galaxie aurait pu être le siège d’une véritable " frénésie alimentaire ", provoquant l’illumination du cœur de la Voie Lactée au point de lui donner l’éclat d’un phare cosmique portant jusqu’au milieu de l’Univers.

Cela pourrait-il être le cas ?

Pour le savoir, il faudrait pouvoir voyager dans le temps. Même si ça paraît incroyable, les astronomes font ça très bien. " En observant des galaxies distantes de milliards d’années-lumière, nous les voyons telles qu’elles étaient il y a des milliards d’années " explique Martini. " Cela peut nous donner une bonne idée de l’état dans lequel était la Vois Lactée lorsqu’elle était jeune. "

Aussi, dans une tentative menée par Jason Eastman, un étudiant de l’OSU, Paul Martini et ses collègues ont utilisé les données du télescope spatial Chandra de la NASA pour examiner 12 amas de galaxies répartis sur des distances s’échelonnant entre 2,4 et 5,7 milliards d’années-lumière. Leur but : voir comment les noyaux galactiques évoluent avec le temps.

Ce qu’ils ont observé leur a rappelé ce qu’Eastman appelle " des piranhas dans un aquarium très bien achalandé ". Ce qu’il veut dire par là, c’est que les galaxies des plus lointains amas ont tendance à être très actives. Les trous noirs situés en leur centre consomment de la matière à une vitesse folle, engendrant de copieuses rations de rayons X.

Les galaxies un peu plus évoluées, dans les amas plus proches, sont relativement calmes avec des noyaux 20 fois moins brillants en rayons X. À mesure que le temps passe, la frénésie diminue. " Ce n’est pas que les trous noirs n’aient plus faim " précise Eastman, " c’est juste que plus rien de substantiel ne passe à leur portée. "

" La nourriture, ou si vous voulez le carburant nécessaire à un trou noir central, on pense qu’il s’agit principalement de gaz " ajoute Martini. " Il est probable qu’une étoile de passage soit aussi gobée de temps en temps, mais la plupart des chercheurs sont d’accord pour dire que les nuages de gaz sont la principale source de carburant. "

En somme, le tableau est le suivant : lorsque les galaxies sont jeunes, un trou noir se forme au centre. Pourquoi ? " Parce que c’est le point le plus bas du puits gravitationnel creusé par la galaxie " répond Martini. " Le gaz, les étoiles, même des trous noirs plus petits, tout migre vers le centre de la galaxie au fil du temps. " Au début, le gaz est abondant, et le trou noir se bâfre littéralement, se signalant de lui-même au cosmos par d’intenses radiations X de haute énergie. À mesure que le temps passe, le noyau s’appauvrit en gaz et autres nourritures. D’ici à ce que la galaxie atteigne l’âge de la Voie Lactée (plus de 10 milliards d’années), le trou noir central a atteint une masse équivalant à plusieurs millions de soleils, et ne fait que grignoter de temps en temps. Le poisson a toujours aussi faim, mais l’eau est presque vide.

Un conseil aux étoiles : faites attention aux piranhas…

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