Les fantômes G cachés dans la machine

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Patrick L. Barry
traduction de Didier Jamet
27 JANVIER 2003

OMS, le système de manœuvre orbitale de la navette spatiale, vient de procéder à l\'allumage d\'un moteur tandis que de la navette se trouve la tête en bas, sa position normale de croisière en orbite basse.
OMS, le système de manœuvre orbitale de la navette spatiale, vient de procéder à l'allumage d'un moteur tandis que de la navette se trouve la tête en bas, sa position normale de croisière en orbite basse.

Equipage STS-51, NASA

La gravité zéro est un mythe. Même en orbite, les engins spatiaux subissent de minuscules accélérations engendrant une microgravité que les scientifiques contrôlent en utilisant un dispositif nommé SAMS.

La prochaine fois que vous entendrez quelqu'un vous dire qu'il n'y a pas de bruit dans l'espace, vous pourrez parier que cette personne n'y a jamais mis les pieds.

Dans le vide presque parfait de l'immensité intersidérale, il est bien évident que "personne ne vous entend crier" comme le disait si bien la bande-annonce d'Alien, le fameux film de science-fiction des années 80.

Mais, à bord de la navette spatiale ou de la station spatiale internationale, le quotidien est rempli d'activités et de sons.

Certains de ces sons proviennent des canalisations ou des câblages omniprésents, aussi bien que de tous les dispositifs mécaniques qui remplissent le moindre recoin des engins spatiaux. Si vous étiez à bord, vous entendriez ronronner les ventilateurs assurant le renouvellement de l'air, le bourdonnement des moteurs électriques et les diverses pompes s'allumant et s'éteignant en permanence. Une façon de ne pas oublier que vous trouvez dans les entrailles d'une machine géante, qui ne s'arrête jamais.

D'autres sons proviennent de l'équipage lui-même : tel astronaute se démène sur un vélo d'exercice monté sur ressort afin de lutter contre l'atrophie musculaire, tel autre se déplace aux alentours, ils discutent, se cognent aux parois, travaillent avec des outils métalliques s'entrechoquant, et de petits haut-parleurs diffusent un crincrin musical censé soutenir le moral de l'équipage dont l’univers se réduit aux parois grises d’un cylindre métallique.

Tous ces petits bruits finissent par donner aux vaisseaux une sorte de "personnalité" mécanique, similaire à celle que vous pouvez par exemple attribuer à votre voiture. Pour les astronautes, ce bruit de fond a quelque chose de familier, de réconfortant, largement préférable à un silence de mort.

Mais pour les scientifiques qui ont une expérience en cours à bord , ces bruits sont le signe de quelque chose dont ils se passeraient bien. Chacun de ces bing, clang, clong correspond à un minuscule sursaut d'accélération.

Ce sont les « fantômes G » dans la machine.

La plupart du temps, si on mène des expériences dans l'espace, c’est justement pour échapper à l'accélération de la pesanteur. Sur terre, les objets sont accélérés vers le bas à une vitesse de 9,8 m/s, ou "1 G".

Cette attraction constante est à l'origine d'effets aussi variés que la convection ou la sédimentation qui viennent généralement compliquer les expériences de chimie et de physique. On comprend que les scientifiques soient désireux de s'y soustraire en quittant la terre. Et cependant, une fois arrivées dans l'espace au prix d'efforts considérables, la navette spatiale et la station spatiale internationale ne sont pas complètement débarrassées de la gravité.

Est-ce vraiment un problème ?

" Généralement pas" répond John Charles, responsable scientifique de la mission STS 107. La plupart de ces vibrations sont d'une valeur tout à fait négligeable: moins d'un millionième de la gravité que nous pouvons ressentir ici sur terre ( d'où le terme de "microgravité", le préfixe grec micro signifiant "un millionième"). mais parfois, avoue-t-il, des vibrations inopportunes et des secousses occasionnelles peuvent compromettre les expériences les plus délicates.

Par exemple, "les expériences de combustion n'apprécient vraiment pas l'allumage des moteurs de contrôle d'attitude." en effet, dans l'espace, les flammes ne brûlent pas du tout comme sur terre. Au lieu d'avoir une forme de gouttes d'eau, elles se contractent en minuscules boules flottant au hasard et consommant très peu de carburant. Les chercheurs pensent que ces flammes en boule détiennent des secrets qui pourraient mener à la réalisation de moteurs de voitures beaucoup plus sobres.

Le problème, c'est que les flammes en boule sont très délicates. Une simple secousse suffit à les éteindre. Alors comment faire ? SAMS a la solution. Faites sa connaissance immédiatement dans la suite de cet article, « SAMS, le chasseur de fantômes G ». (lien ci-dessous)

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