Une galaxie peut-elle faire volte-face ?

article de Didier Jamet
9 FEVRIER 2002

À 111 millions d’années-lumière de la Terre, dans la constellation du Centaure, NGC 4622 déploie ses bras spiraux dans toute leur splendeur. À l’envers ou à l’endroit  ?
À 111 millions d’années-lumière de la Terre, dans la constellation du Centaure, NGC 4622 déploie ses bras spiraux dans toute leur splendeur. À l’envers ou à l’endroit ?

Nasa – STSci – Aura

Au premier abord, NGC 4622 est une magnifique galaxie spirale sans histoires. Qui plus est, elle a le bon goût de nous offrir une vue plongeante sur ses immenses bras, enroulés autour du noyau à la manière de spaghettis autour d’une fourchette. Mais de nouvelles images obtenues par le télescope spatial Hubble semblent contredire ces apparences: pour filer la métaphore gastronomique, tout se passe comme si c’étaient les spaghettis qui faisaient tourner la fourchette, et non l’inverse… Si cela se produisait dans votre assiette, une fois passé l’effet de surprise, vous chercheriez le truc. Les astronomes ne font pas autrement.

En fait, Hubble (1) a permis de mettre en évidence deux mouvements contradictoires au sein de cette galaxie. D’après les données extraites de ces images, l’ensemble de la galaxie tournerait dans le sens des aiguilles d’une montre, et les deux grands bras externes seraient donc bien en tête du cortège stellaire, et non à la traîne comme on pourrait s’y attendre.

Or, lorsqu’on s’approche du noyau, les bras internes, eux, sont à la remorque. Comment une telle contradiction dynamique est-elle possible ?

Faits-divers intergalactique

Différentes solutions sont envisagées. Celle qui rassemble le plus de suffrages suppose qu’une très ancienne collision avec une autre galaxie aurait pu perturber la structure externe de NGC 4622, au point de créer ces bras à contre-courant, par effet de marée. À l’appui de cette hypothèse, l’asymétrie assez marquée des deux grands bras pourrait être une séquelle de la collision.

Un certain nombre de structures galactiques très étranges ont déjà été clairement associées à ce genre d’événement. Mais cette réponse providentielle amène aussitôt une autre question : où est donc passée la galaxie responsable de l’accident ?

Là encore, la solution ne manque pas d’élégance : la galaxie chauffarde, beaucoup plus petite que sa victime, se confondrait aujourd’hui avec elle, les deux ayant fusionné au moment de l’impact.

Une rencontre féconde

Perturbation, impact, collision, le vocabulaire employé pour décrire les interactions entre galaxies a de quoi faire frémir. En réalité, même lorsqu’elles ont lieu de plein fouet, les collisions entre iles-univers sont des chocs sans conséquences pour les étoiles qui les composent : la distance moyenne entre chaque étoile est telle que les risques de collision sont quasiment inexistants.

En revanche, les nuages de gaz interstellaire subissent de violentes augmentations de pression, atteignant des densités critiques qui déclenchent de vrais " baby boom " stellaires. De telles nurseries sont visibles sur ces images de NGC 4622, bordant de bleu-violet les bras extérieurs, dans le quart supérieur gauche de l’image.

Des données fiables ?

Nous venons de spéculer longuement sur les raisons qui pourraient expliquer la volte-face de cette galaxie, mais sommes-nous seulement certains de son sens de rotation réel ?

S’il nous a fourni les plus spectaculaires images de l’Univers depuis bientôt dix ans, le télescope spatial Hubble a aussi été à l’origine de méprises retentissantes, comme l’annonce ronflante et très officielle de la soi-disant première image d’une exoplanète en 1998, piteusement démentie par la suite.

La compétition de plus en plus exacerbée entre scientifiques amène parfois les équipes à annoncer des résultats pas toujours très bien étayés, et la prime est souvent accordée à la " preuve par l’image " immédiate, au détriment de constructions théoriques plus solides, mais aussi nettement moins spectaculaires.

Alors, info ou intox cette galaxie à rebrousse-poil ? Notons que dans ce cas précis, contrairement au regrettable épisode de la pseudo exoplanète, les données de Hubble permettent de questionner les apparences, au lieu de les avaliser avec la trompeuse force de l’évidence. Il faut donc espérer que, en l’occurrence, la politique de communication pour le moins hardie du Space Telescope Science Institute n’ait pas à subir de démenti.


(1) l’équipe à l’origine de ces travaux comprend Ron Buta et Gene Byrd de l’Université d’Alabama, ainsi que Tarsh Freeman du Bevill State community college. Ils ont présenté leurs résultats lors du récent congrès de la Société Américaine d’Astronomie en janvier dernier

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