article de Didier Jamet
11 JANVIER 2002
Lorsqu’en 1995 le télescope spatial nous a révélé l’existence des plus anciennes galaxies primordiales, les astronomes se sont extasiés devant la qualité des images produites, et la masse de découvertes qu’elles rendaient possibles. Une nouvelle étude prétend pourtant qu’il aurait raté l’essentiel du spectacle…
En analysant la couleur de certaines de ces " galaxies ", une équipe de chercheurs de l’Université de New York menée par Kenneth Lanzetta en arrive à la conclusion qu’il s’agirait en fait d’énormes regroupements d’étoiles jeunes, extraordinairement brillantes.
Bien sûr, ces étoiles ne seraient pas orphelines, et appartiendraient effectivement à des galaxies. Mais ces dernières seraient trop faiblement lumineuses pour apparaître sur les images d’Hubble, piètre collecteur de lumière diffuse avec son miroir de 2,4 mètre " seulement ".
Hubble roule pour vous
Prenons une image : Vous roulez sur autoroute, de nuit. Vous venez de dépasser un camion et vous vous rabattez sur la file de droite. À partir d’une certaine distance entre vous et le camion, vous allez voir apparaître dans le rétroviseur ses phares et ses feux de gabarit, sans discerner aucun autre détail de sa structure. Il se trouve qu’Hubble n’est rien d’autre qu’un rétroviseur spatial de luxe puisque, la lumière se déplaçant à une vitesse finie de 300 000 kilomètres à la seconde, plus on regarde loin dans l’espace, plus en fait on remonte dans le temps.
Dans l’exemple du camion, l’intervalle de temps entre le dépassement et l’apparition des feux dans le rétroviseur est suffisamment bref pour que vous n’ayez aucun mal à reconstituer mentalement les contours du véhicule. Or, le rétroviseur Hubble nous fournit une image qui remonte à… 13 milliards d’années, et qui correspond à un événement dont nous ne connaissons à peu près rien. Autant dire que beaucoup d’interprétations peuvent être avancées pour décrire la réalité sous-jacente. Là où tout le monde reconnaît un camion sur autoroute, les avis sont beaucoup plus partagés s’agissant des premières lueurs de l’Univers.
En fait, quelle que soit la véritable valeur de cette théorie, elle permet de souligner la difficulté qu’il y a à interpréter des images d’évènements aussi lointains. C’est pourquoi les astrophysiciens doivent redoubler de prudence lorsqu’ils présentent leurs modèles théoriques, censés rendre compte des observations.
Laissant la prudence de côté, Kenneth Lanzetta se lance dans des spéculations plutôt audacieuses à partir de son hypothèse des " feux de gabarit ".
" Baby-boom " précoce
Selon lui, si ces points brillants sont bien des regroupements de jeunes et chaudes étoiles surbrillantes, il faut alors accepter l’idée qu’il n’y aurait jamais eu autant de naissances d’étoiles qu’au tout début de l’Univers, moins d’un milliard d’années après le big-bang. Ce " taux de fécondité " aurait régulièrement décru depuis.
Les modèles les plus couramment acceptés jusqu’alors étaient beaucoup moins linéaires, et privilégiaient une courbe " en cloche ", situant le " baby boom " stellaire 5 milliards d’années après le big-bang.
14 Juillet cosmique
Alors, à quoi aurait ressemblé le jeune Univers selon cette nouvelle théorie ? À peu près à un championnat du monde de feux d’artifice, où le rôle des " belles bleues " aurait été tenu par les groupes de jeunes étoiles évoqués plus haut, les " belles rouges " étant quant à elles interprétées par les zones de formation d’étoiles, irradiées d’ultraviolets.
Bien sûr, tout cela repose sur des hypothèses qui sont loin d’être vérifiées, et reste donc fortement spéculatif : Seuls les nouveaux télescopes géants combinant leurs images, ou bien le prochain télescope spatial, pourraient permettre de décider du sort de cette nouvelle théorie.Le modèle standard tient encore la corde.
