Sur Terre mieux qu'au ciel

article de Laurent Laveder
11 DECEMBRE 2001

Cette image compare les images d\'une étoile de magnitude 8 sans (à gauche) et avec (à droite) le dispositif d\'optique adaptative. Au centre, l\'illustration donne une représentation en 3D des courbes de lumière des images latérales. On voit clairement qu\'avec NAOS/CONICA la courbe de l\'étoile monte bien plus haut et est bien plus fine que le petit pâté correspondant à l\'image sans optique adaptative.
Cette image compare les images d'une étoile de magnitude 8 sans (à gauche) et avec (à droite) le dispositif d'optique adaptative. Au centre, l'illustration donne une représentation en 3D des courbes de lumière des images latérales. On voit clairement qu'avec NAOS/CONICA la courbe de l'étoile monte bien plus haut et est bien plus fine que le petit pâté correspondant à l'image sans optique adaptative.

VLT, ESO.

Les astronomes de l'ESO viennent d'équiper Yepun, l'un des télescopes du VLT, d'un dispositif d'optique adaptative. Les résultats sont spectaculaires et ont permis à Yepun d'obtenir des images plus précises encore que le télescope spatial Hubble. Il faut dire que le télescope terrestre est tout de même 3,5 fois plus grand que son homologue spatial.

Le 25 novembre 2001, les astronomes de l'ESO ont testé pour la toute première fois un dispositif d'optique adaptative, NAOS, et une caméra infrarouge, CONICA. Les résultats obtenus sont excellents.

Compenser la turbulence atmosphérique

Un télescope placé sur Terre pâtit des effets perturbateurs de l'atmosphère. Le scintillement des étoiles en est la preuve. Pour s'acquitter de cette gêne, les astronomes ont recours à l'optique adaptative. Il s'agit d'un dispositif destiné à compenser la turbulence atmosphérique. Sans entrer dans les détails, disons qu'un tel appareillage utilise un miroir qui se déforme en temps réel afin que chaque rayon lumineux en provenance d'une étoile arrive au bon moment et au bon endroit sur le capteur. C'est ce que fait NAOS, interposé entre le ciel et le capteur, dénommé CONICA, qui voit la lumière infrarouge. Notons que ces deux instruments ont été conçus par des laboratoires français et allemands.

Pourquoi l'infrarouge ?

Les observations ont été réalisées en infrarouge. Dans ce domaine, la turbulence est plus facile à compenser qu'en lumière visible, car le miroir du dispositif d'optique adaptative peut se déformer à un rythme plus faible – 500 fois par seconde pour NAOS. L'optique adaptative est donc techniquement plus facile à mettre en œuvre en infrarouge qu'en visible. Les astronomes ont donc choisi deux bandes spectrales infrarouges : la bande K, à 2,2 µm, et la bande J, à 1,2 µm.

Cependant, les lois de l'optique montrent que plus la longueur d'onde est grande, moins bonne est la résolution du télescope. C'est là que les scientifiques doivent trouver le compromis entre facilité de mise en œuvre et résolution.

Premiers essais

C'est le 24 octobre que NAOS et CONICA arrivent au sommet du Mont Paranal, au Chili, où sont érigés les quatre télescopes de 8,2 m de diamètre du VLT. Un mois plus tard, le 25 novembre, astronomes et techniciens ont fini l'installation de ces deux instruments au foyer Nasmyth de Yepun, l'un des quatre télescopes géants.

Peu avant 23h locale (soit 2h00 TU, le 26 novembre), la caméra CONICA est testée sans l'aide du dispositif d'optique adaptative. L'image affiche une résolution de 0,5 seconde d'arc. Pour un télescope terrestre, c'est déjà très bien.

Puis les techniciens activent NAOS. A 23h00 locale, la première pose corrigée de la turbulence s'affiche sur les écrans de la salle de contrôle. Face aux moniteurs, l'équipe présente fait éclater sa joie : leur travail est récompensé par une image d'une résolution de 0,068 seconde d'arc dans la bande K !

FWHM ?!

Attardons-nous sur la mesure de cette résolution. Il s'agit de la valeur du FWHM (Full Width at Half Maximum), c'est-à-dire la largeur totale à mi-hauteur. Elle correspond à la largeur de la courbe de lumière d'une étoile lorsqu'on la coupe à la moitié de sa hauteur.

0,04 seconde d'arc !

Puis, au cours des nuits suivantes, d'autres mesures ont été réalisées. Au final, les astronomes avancent des mesures de 0,07 seconde d'arc dans la bande K et 0,04 seconde d'arc dans la bande J. C'est donc mieux que le télescope spatial Hubble (qui travail hors atmosphère) dont le record est de 0,085 seconde d'arc à 0,8 µm de longueur d'onde.

L'intérêt d'une telle résolution est évident. En étudiant plus finement les objets du cosmos, les astronomes sont en mesure de nous en donner une description plus précise. Ils peuvent aussi voir des astres jusque là trop petits pour être détectables. Mais c'est avant tout la première fois qu'un dispositif d'optique adaptative est installé au foyer d'un télescope géant pour réaliser une pose d'une durée de plusieurs dizaines de secondes. Reste maintenant à réaliser une telle prouesse dans le domaine visible. Les images seraient alors encore plus fines.
Patience, ce n'est plus qu'une question d'années.

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