article de Olivier Sanguy
14 OCTOBRE 2003
C’est probablement cette nuit vers 3 heures du matin heure française que la Chine deviendra le troisième membre du club très fermé des grandes nations à même de placer un de leurs ressortissants en orbite. Chronique d’un vol spatial annoncé dont les enjeux vont bien au-delà de la simple opération de prestige à laquelle certains voudraient le réduire.
D’abord une observation. Force est de reconnaître que la Chine arrive à faire parler d’elle en distillant le minimum d’informations !
Contrairement aux sites de la NASA ou de l’ESA qui regorgent de détails en tout genre avant un lancement, le web spatial chinois officiel reste très discret.
Voir à ce titre le site anglais de la CASC (China Aerospace Science and technology Corporation)
La mise en ligne des rumeurs et des pronostiques échoit majoritairement aux organes d’informations, officiels eux aussi :
Xinhuanet, Le quotidien du peuple et son dossier spécial
le même en anglais
Du coup le pouvoir chinois réalise un beau doublé en attirant l’attention sur son programme spatial (une aura de secret est toujours excitante) et ses médias électroniques. Stratégie renforcée par l’annonce d’une retransmission en direct du lancement sur la chaîne d’information de l’Empire du milieu, CCTV (canal anglais en streaming video. Cependant, cette possibilité de direct TV n’est aucunement confirmée et des informations contradictoires circulent.
En revanche, en cas de succès, il est certain que la télévision chinoise couvrira largement l’événement, en direct ou en différé.
Il serait toutefois malvenu de limiter le vol habité chinois, et la stratégie de communication qui l’entoure, à une simple opération de prestige politique. Envoyer un homme dans l’espace demande de bâtir un outil industriel conséquent, d’entretenir une formation universitaire et scientifique de haut niveau et enfin de maîtriser des technologies de pointe. Le vol annoncé du Shenzhou-5 est alors ce qu’un programme spatial a toujours été, le reflet des volontés et forces à l’œuvre dans une société donnée.
Et pour la Chine, le symbole sera doublement utile.
Tout d’abord fortifier le sentiment national dans un pays composé de plusieurs ethnies et cultures.
Ensuite, faire comprendre au monde que la Chine n’est plus seulement un fabriquant de "pas-cher-en-grande-quantité", mais aussi un partenaire industriel pour la haute technologie !
Ce dernier objectif est capital pour un pays qui a besoin de maintenir une croissance forte afin de financer son développement. Les médias officiels n’insistent-ils pas d’ailleurs sur le fait que "l'utilisation de l'espace contribuera au développement socio-économique " ? Oubliez l’opération de prestige politique, le véritable but est peut-être bien de faire de la Chine un pays crédible pour le Hi-Tech. Un enjeu commercial et industriel proprement gigantesque.
Olivier SANGUY est rédacteur en chef d’ ESPACE Magazine, le magazine de la conquête spatiale. Retrouvez les détails de l'entrainement des cosmonautes chinois ainsi que leur nom dans le numéro actuellement en kiosque d'Espace Magazine
