article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
24 NOVEMBRE 2002
Des astronomes viennent d’isoler deux trous noirs supermassifs au centre d’une galaxie lointaine. Et selon eux, ces trous noirs finiront par fusionner un jour ou l’autre, déclenchant un déferlement d’ondes gravitationnelles et de radiations
Pour la première fois, des scientifiques ont obtenu la preuve de la présence de deux trous noirs supermassifs au sein de la même galaxie.
Ils sont en rotation autour d’un centre de gravité commun et finiront par fusionner d’ici plusieurs millions d’années. L’évènement libérera de gigantesques bouffées de radiations et d’ondes gravitationnelles, et engendrera un trou noir encore plus grand que les deux précédents.
Le télescope spatial à rayons X Chandra a observé les deux trous noirs au cœur de la galaxie NGC 6240. Il a été capable de les « voir » car les trous noirs sont entourés par de chauds tourbillons de matière appelés disques d’accrétion. Ces disques sont de puissantes sources de rayons X.
« la découverte a été rendue possible grâce à la faculté qu’a Chandra de distinguer clairement les deux noyaux et de mesurer en détail leur rayonnement X » confirme Guenther Hasinger de l’Institut Max Planck de Physique Extraterrestre situé à Garching en Allemagne.
Il est un des coauteurs d’une prochaine publication scientifique décrivant la recherche à paraître dans l’Astrophysical Journal Letters.
Située à une distance d’environ 400 millions d’années-lumière, NGC 6240 est l’archétype des galaxies à formation stellaire active, c’est-à-dire une galaxie massive dans laquelle les étoiles continuent de se former à un rythme extrêmement rapide du fait d’une collision et d’une fusion récente de deux galaxies plus petites.
À cause de la quantité de poussières et de gaz contenue dans ces galaxies, il est difficile de scruter directement leurs régions centrales. Des observations dans les domaines optiques, radio et infrarouge avaient précédemment révélé la présence de deux noyaux brillants, mais leur nature exacte restait mystérieuse.
Les rayons X quant à eux traversent sans peine le voile de gaz et de poussières. « avec Chandra, nous espérions parvenir à déterminer lequel des deux noyaux pouvait être un trou noir super massif » confie Stéfanie Komossa, également du Max Planck Institute, auteur principal du papier sur NGC 6240. « À notre grande surprise, les deux noyaux s’avérèrent être des trous noirs actifs ! »
« La détection de ce trou noir binaire vient renforcer l’idée selon laquelle les trous noirs peuvent atteindre des masses gigantesques dans les centres galactiques en fusionnant avec d’autres trous noirs » assure Komossa. « Ce sont des données essentielles dans la perspective de comprendre un jour la façon dont les galaxies se forment et évoluent ».
Durant les quelques prochaines centaines de millions d’années, les deux trous noirs de NGC 6240, séparés actuellement par une distance de quelque 3000 années-lumière, vont se rapprocher l’un de l’autre et fusionner pour former un trou noir super massif encore plus grand. Vers la fin de ce processus, une énorme bouffée d’ondes gravitationnelles sera produite.
Ces ondes gravitationnelles s’étendront à travers l’Univers et feront onduler la structure même de l’espace, ce qui se traduira par d’infimes changements de la distance séparant deux points pris au hasard dans l’Univers.
Le détecteur spatial d’ondes gravitationnelles LISA actuellement étudié à la NASA tentera d’observer ces phénomènes résultant de fusions de trous noirs super massifs. On estime que, dans l’Univers observable, il se produit plusieurs évènements de cette sorte par an.
« C’est la première fois que nous surprenons un trou noir binaire en pleine action, indice préliminaire d’une énorme vague d’ondes gravitationnelles qui se produira dans un lointain futur » conclut Hasinger.
Quelques liens pour aller plus loin
Le télescope spatial à rayons X Chandra
L’Institut Max Planck de Physique Extraterrestre
Les trous noirs existent en différentes tailles
Un mystère au cœur de la voie lactée