Il faut sauver le pays Cajun

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Patrick L. Barry
traduction de Didier Jamet
5 NOVEMBRE 2002

Ces cyprès de Louisiane poussaient jadis sur la terre ferme, mais celle-ci a été submergée
Ces cyprès de Louisiane poussaient jadis sur la terre ferme, mais celle-ci a été submergée

Julia Sims

Archéologues et ingénieurs utiliseront bientôt les services de satellites de la NASA pour reconstituer les zones humides de Louisiane tout en préservant d’anciens sites cultuels Amérindiens.

Première partie

À 56 ans, Michel Comardelle, pêcheur de crabe de son état, a passé l’essentiel de sa vie dans le bayou. Son père aussi est né dans le bayou, au sommet d’un petit monticule de terre érigé jadis par les Amérindiens et qui leur servait de lieu de culte.

Mais aujourd’hui le monticule n’existe plus. Il a été emporté avec une grande part des zones humides de la côte de Louisiane. Une contagieuse combinaison d’érosion, d’élévation du niveau de la mer et de terrains s’enfonçant peu à peu a dévoré ces marais au rythme galopant de 65 à 90 kilomètres carrés par an. Et avec eux s’en est allé une partie des racines de la culture Cajun, ainsi que les vestiges des cultures amérindiennes qui l’ont précédé.

« C’était notre terrain de jeu Â» se souvient Comardelle. « Le seuil de la maison à peine franchi, c’était les marais, le bayou qui commençait. C’était toute notre vie. Mais l’érosion est si forte, si rapide à présent qu’on peut presque en voir les effets d’un jour sur l’autre. Â»

« Depuis que je suis né, j ‘ai vu disparaître environ la moitié de la zone où je pêchais le crabe. Â» affirme-t-il.

L’Homme est le principal responsable de cette situation, par le biais des aménagements du cours du Mississipi qu’il a réalisés. Les digues érigées le long des rives pour lutter contre les risques d’inondation empêchent le fleuve d’alimenter les zones humides environnantes. Ces dernières se trouvent alors privées des apports en sédiments sur lesquels reposaient les marais, et plus rien ne s’oppose au processus d’érosion.

Cette perte est particulièrement inquiétante dans la mesure où la Louisiane du Sud regroupe 40% des zones humides côtières des 48 états voisins.

Au-delà de leurs fonctions naturelles de zones de filtration de l’eau et de bastions de la biodiversité, ces marécages et estuaires sont essentiels aux pêcheries locales ainsi qu’aux professionnels du tourisme.

Ils jouent également un rôle de tampon contre les inondations provoquées par les lames de fond déferlant sur les côtes pendant les ouragans.

Par exemple, durant les violents épisodes météorologiques récents, où en l’espace d’une semaine la tempête tropicale Isidore fut suivie de l’ouragan Lili, Comardelle affirme que « des gens installés ici depuis vingt ou trente ans n’avaient jamais vu les vagues déferler si profondément dans les terres. Â»

Afin de lutter contre cette perte des zones humides, le corps du Génie de l’Armée Américaine et le Service des Ressources Naturelles de l’Etat de Louisiane mènent conjointement un ambitieux projet de restauration nommé Coast 2050.

C’est un projet aux proportions gigantesques : un budget de 14 milliards d’euros, et un calendrier échelonné sur les 50 prochaines années afin d’essayer de restaurer plus de 30 000 kilomètres carrés de zones humides

De tels projets de terrassement nécessitent un relevé détaillé de la topographie des lieux, mais étudier en détail une si grande superficie n’est pas chose facile. C’est pourquoi le Génie va utiliser les données des satellites de la NASA.

« Ces marais et marécages sont souvent très denses et difficiles à pénétrer Â» confirme Marco Giardino, chercheur au centre spatial Stennis de la NASA qui coordonne les contributions de la NASA dans le projet Coast 2050. « En recourant à l’imagerie de la flotte de satellites de la NASA dédiés à l’étude de la Terre, nous pouvons compléter les techniques d’étude traditionnelles et améliorer le processus de prise de décision Â» affirme Giardino.

Le premier objectif est constitué par les centaines d’anciens sites amérindiens répartis à travers le Bayou. La plupart d’entre eux ont l’apparence de monticules faiblement élevés, tout comme celui au sommet duquel le père de Comardelle est né.

La loi nationale de préservation historique a besoin de projets tels que Coast 2050 pour identifier les sites archéologiques susceptibles d’être inscrits à l’inventaire national des lieux historiques.

Comment un satellite perché à 400 kilomètres peut-il bien repérer des vestiges amérindiens disséminés dans un vaste marécage ? La réponse dans la deuxième partie de cet article, « Archéologie assistée par satellite Â» (lien ci-dessous).

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