La controverse de la constante de Hubble

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
21 SEPTEMBRE 2017

Edwin Hubble en train de regarder fuir les galaxies
Edwin Hubble en train de regarder fuir les galaxies

DR

Grâce à l'astronome Edwin Hubble et à quelques autres, nous savons depuis 1929 que l'Univers est en expansion. Son taux d'expansion est appelé la constante de Hubble, et noté Ho. Il y deux grandes façons de mesurer Ho, et pendant 15 ans elles ont toutes deux donné à peu près les mêmes valeurs. Mais plus maintenant, et c'est un vrai problème. Voici pourquoi.

Dans le ''modèle cosmologique standard'', Ho est un ingrédient essentiel, au moins autant que la vitesse de la lumière. Ho intervient dans tout ce que nous connaissons de l'Univers : son âge, sa taille, ce dont il est constitué... Si Ho est modifié même très légèrement, nous obtenons un âge de l'Univers très différent, tout comme les proportions relatives de matière, de matière noire et d'énergie noire, et ainsi de suite.

Cependant contrairement à la vitesse de la lumière, il n'est pas possible de mesurer Ho en laboratoire. Il faut la déduire des observations de l'Univers lui-même.

Une des méthodes utilisées est celle des observations de supernovae de type 1a, associées au décalage vers le rouge des galaxies où elles se produisent. Lorsqu'elle explose, chaque supernova de type 1a libère approximativement la même quantité d'énergie sous forme lumineuse.

Une supernova de type 1a dans la galaxie M101. Chic, on va pouvoir mesurer la constante de Hubble !
Une supernova de type 1a dans la galaxie M101. Chic, on va pouvoir mesurer la constante de Hubble !

Crédit : D. Andrew Howell (LCOGT) et al., Faulkes Telescope North, LCOGT

En mesurant la quantité de lumière reçue d'une supernova de type 1a, on obtient une bonne approximation de sa distance. Mesurer le décalage vers le rouge d'un objet, c'est à dire le décalage de longueur d'onde que produit sa vitesse (c'est l'effet Doppler, comme quand le son d'une sirène de pompier devient plus aigu quand elle vient vers nous puis plus grave quand elle nous a dépassés) nous renseigne tout aussi sûrement sur sa vitesse. En associant les deux données, vitesse et éloignement, il est assez simple d'obtenir un taux d'expansion.

Quel chemin avons nous vraiment parcouru depuis le Big Bang ? Personne ne le sait vraiment.
Quel chemin avons nous vraiment parcouru depuis le Big Bang ? Personne ne le sait vraiment.

Crédit : DR

L'autre technique de mesure de Ho s'intéresse au rayonnement cosmologique de fond, émis quand l'Univers est devenu transparent à la lumière 370 000 ans après le Big Bang. Avant cette date, le jeune univers était dense et chaud, et la lumière ne pouvait s'y mouvoir librement. 370 000 ans après le Big Bang, l'Univers a suffisamment refroidi pour que les photons soient enfin libérés. Ce rayonnement a laissé une empreinte, fournissant des indices sur la composition de l'Univers à cette époque. Le rayonnement cosmologique de fond peut être utilisé pour mesurer la densité de matière sombre et d'énergie noire. Ces données sont alors associées avec le modèle d'évolution de l'Univers pour en déduire le taux d'expansion de l'Univers, la fameuse constante d'Hubble.

Le rayonnement cosmologique de fond vu par le satellite européen Planck. Si cette image est impressionnante, elle n\'est en fait pas plus compliquée que le robinet de votre lavabo : plus c\'est rouge, plus c\'est chaud, et plus c\'est bleu, plus c\'est froid
Le rayonnement cosmologique de fond vu par le satellite européen Planck. Si cette image est impressionnante, elle n'est en fait pas plus compliquée que le robinet de votre lavabo : plus c'est rouge, plus c'est chaud, et plus c'est bleu, plus c'est froid

Crédit : ESA, Consortium Planck

Or à mesure que les deux camps améliorent leurs capacités à quantifier cette constante, un malaise de plus en plus grand s'installe : une récente étude s'appuyant sur la première méthode a fourni un taux d'expansion 8% plus élevé que la meilleure estimation obtenue par la seconde méthode.

Ce désaccord amène les scientifiques à s'interroger : ''Quelque chose nous aurait-il échappé ?''

Comme le dit Wendy Freedman, professeur d'astronomie et d'astrophysique à l'université John et Marion Sullivan de Chicago, « cela pourrait être que nous ne comprenons pas assez bien les incertitudes pour comprendre pourquoi les deux méthodes produisent des résultats différents. »

Wendy L. Freedman, enseignante chercheuse en astrophysique à l\'Université de Chicago. Elle pose de vraies questions, et va chercher des réponses
Wendy L. Freedman, enseignante chercheuse en astrophysique à l'Université de Chicago. Elle pose de vraies questions, et va chercher des réponses

Crédit : Université de Chicago

En 2001, Wendy Freedman a mené une étude avec le télescope spatial Hubble afin de mesurer Ho par la première méthode, et en mène une nouvelle dans l'espoir d'améliorer encore la précision.

Une autre intrigante question se pose encore : serait-il illusoire d'attendre un accord entre ces deux méthodes de mesure de la constante de Hubble ? Peut-être que le modèle cosmologique standard, qui prévoit un accord, est tout simplement faux. Cela pourrait être une piste intéressante sur la voie d'un nouveau modèle.

''Savons nous vraiment ce qui constituait l'intégralité du rayonnement émis par le Big Bang ?'' se demande Freedman. ''Se pourrait-il qu'il y ait un type inconnu de particule qui nous échappe encore ? Ou bien l'énergie noire et la matière sombre ont-elles des propriétés qui changent avec le temps ?''

Dans les années qui viennent, des chercheurs comme Wendy Freedman vont tenter de trouver d'éventuelles failles dans la façon dont chaque méthode de mesure mène ses analyses, avant d'éventuellement en appeler à un changement de modèle cosmologique.

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