article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
28 AOUT 2007
La plupart des gens apprécient les éclipses lunaires pour leur silencieuse beauté au cœur de la nuit. Mais un astronome de la Nasa, Bill Cooke, voit les choses différemment : ce qu’il aime pendant les éclipses de Lune, ce sont les explosions.
Dans quelques dizaines de minutes, un peu avant midi heure légale en Europe (9 H 52 T.U.) l’ombre de la Terre viendra balayer la Lune pour une éclipse de 90 minutes. Le spectacle ne sera naturellement pas visible depuis l’Europe, puisque c’est la fin de la matinée et que la Lune n’est pas encore levée. Mais depuis le continent américain, au beau milieu de l’obscurité lunaire, Cooke espère enregistrer les traces lumineuses des explosions de météoroïdes s’écrasant sur notre satellite naturel.
“Cette éclipse fournit une occasion particulièrement propice pour les observer” affirme Cooke, qui dirige le Bureau d’Environnement Météoritique de la Nasa dépendant du centre spatial Marshall.
La surface lunaire faisant face à la Terre sera dans l’ombre pendant plus de deux heures, offrant aux météoroïdes une cible suffisamment sombre de plus de 11 millions de km2.
Les explosions lunaires ne sont pas un phénomène nouveau. L’équipe de Cooke surveille la Lune depuis la fin 2005, et elle a jusqu’ici enregistré la trace de 62 impacts. “Les météoroïdes qui croisent la Terre se désintègrent pour la plupart entièrement dans l’atmosphère, engendrant une inoffensive traînée lumineuse. Mais la Lune n’a pas d’atmosphère. Aussi les “étoiles filantes” lunaires atteignent directement le sol. Une chute typique libère autant d’énergie que 100 kg de TNT, creusant un cratère de plusieurs mètres de diamètre et engendrant un éclair suffisamment lumineux pour qu’il soit perceptible dans un télescope du commerce à 380 000 km de distance, c’est à dire sur Terre.
“À peu près la moitié des impacts que nous observons provient de sources de météores bien identifiées, comme les perséïdes ou les léonides” constate Danielle Moser, collègue de Cooke. “L’autre moitié sont ce que nous appelons des météores “sporadiques”, c’est-à-dire sans lien avec une comète ou un astéroïde particuliers.”
L’observatoire dédié à ces recherches est implanté au sein du centre spatial Marshall, à Huntsville, Alabama, et consiste en deux télescopes de 35 cm de diamètre équipés de caméras sensibles aux très faibles luminosités. Moser et sa collègue Victoria Coffey sont en ce moment même à l’ouvrage.
Durant l’éclipse, elles espèrent saisir de fugaces variétés de météores appelées les “Hélions”.
Les météoroïdes des Hélions viennent de la direction du Soleil” confirme Cooke, “Et ça les rend très difficiles à observer.” Ils zèbrent notre ciel la plupart du temps vers le midi vrai d’un point donné, lorsque l’éclat du Soleil est trop intense pour qu’il soit possible de les observer.
Mais comment ça ? Notre étoile produirait elle-même des étoiles filantes ? “Non, le Soleil n’en est pas lui-même la source” précise Cooke. “Nous pensons que les Hélions sont le fruit d’antiques comètes passées à ras du Soleil qui ont laissé dans leur sillage, et donc dans les parages du Soleil, des filons de débris poussiéreux.”
Cependant le conditionnel reste de mise, car les météoroïdes des Hélions sont bigrement difficiles à étudier. Les astronomes n’en voient qu’un petit nombre brièvement avant l’aube ou après le crépuscule. Les tentatives pour les étudier de jour par radar ont échoué pour une part du fait des interférences radio d’origine terrestre et solaire, lesquelles noient le signal des météoroïdes.
Durant une éclipse lunaire, “l’Homme dans la Lune” (la face de la Lune visible depuis la Terre) sera carrément tourné en direction du Soleil. “Une géométrie idéale pour intercepter les Hélions” se réjouit à l’avance Danielle Moser. “Et avec l’ombre de la Terre fournissant la baisse de luminosité, nous devrions être en mesure de discerner assez nettement tout impact.”
“Observer les Hélions frapper la Lune et étudier la luminosité de leurs impacts nous en apprendra plus sur leur taille, leur vitesse et leur taux de pénétration” ajoute-t-elle. À leur tour, ces données contribueront au but réel du Bureau d’Environnement Météoritique, qui est d’estimer la probabilité d’être frappé par un météoroïde qui attendra les astronautes lors de leur prochain retour sur la Lune.
Personne n’a encore jamais observé d’impact durant une éclipse lunaire. Mais c’est peut-être en train de changer. Comme le dit Cooke, “il y a une première fois à tout”. Revenez bientôt, nous vous ferons part du résultat.