Avis de tempête solaire

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
13 MARS 2006

Aurores polaires photographiées au-dessus d\'un oléoduc en Alaska en 1958
Aurores polaires photographiées au-dessus d'un oléoduc en Alaska en 1958

Nasa

C’est officiel : le minimum solaire est arrivé. Les taches solaires se sont évanouies. Les éruptions solaires sont inexistantes. Le Soleil est d’un calme plat. Comme le calme qui précède la tempête.

Au cours de la semaine passée, des chercheurs ont annoncé qu’une tempête se prépare : le plus intense maximum solaire de ces cinquante dernières années. La prévision en a été faite par une équipe emmenée par Mausumi Dikpati du National Center for Atmospheric Research. " le prochain cycle de taches solaires sera de 30 à 50% plus actif que le précédent " affirme-t-elle. Si c’est bien le cas, les années à venir pourraient connaître un surcroît d’activité qui se comparera avec l’historique maximum de 1958.

Ça, c’était un vrai maximum solaire. L’ère spatiale débutait à peine, Spoutnik avait été lancé en octobre 1957 et Explorer 1 (le premier satellite américain de l’histoire) en janvier 1958. En 1958, vous ne pouviez pas dire qu’un orage magnétique se déroulait en consultant les barres de réception de signal de votre téléphone portable, car les téléphones portables n’existaient pas. Cependant les gens se doutèrent quand même qu’un évènement naturel de grande ampleur se déroulait lorsqu’ils purent observer par trois fois des aurores boréales jusqu’au Mexique… Aujourd’hui, un évènement similaire aurait des répercussions sur les téléphones portables, les systèmes de positionnement par satellites, les satellites météo ainsi que beaucoup d’autres technologies modernes.

Les prévisions de Dikpati sont sans précédent. En bientôt deux siècles d’observation du cycle solaire de 11 ans, les scientifiques ont fait de leur mieux pour prévoir l’ampleur du maximum à venir, et ont régulièrement échoué. Les maximums solaires peuvent être intenses, comme en 1958, ou à peine perceptibles, comme en 1805, et ce de façon apparemment aléatoire.

Mais il y a quelques années de cela, Dikpati a compris que la clé du mystère résidait dans une sorte de tapis roulant à la surface du Soleil.

Nous avons un équivalent de ce phénomène sur Terre, le grand tapis roulant océanique, rendu célèbre par le film catastrophe le jour d’après. Il s’agit d’un réseau de courants qui transportent eau et chaleur d’un océan à l’autre. L’argument du film, c’est que le tapis roulant océanique s’arrête brutalement ce qui plonge le climat terrestre dans le chaos.

Sur le Soleil, on observe également un courant, mais pas d’eau bien entendu. Ici, ce qui est transporté, c’est du gaz ionisé, c’est-à-dire électriquement chargé. Il s’écoule en boucle depuis l’équateur jusqu’aux pôles solaires et ainsi de suite. Tout comme le grand tapis roulant océanique conditionne le climat sur Terre, son équivalent solaire serait la clé de la " météo solaire ". Tout particulièrement, il influe sur le cycle des taches solaires.

Le physicien solaire David Hathaway nous l’explique " D’abord, il faut avoir conscience de ce que sont les taches solaires : l’extrémité de boucles enchevêtrées du champ magnétique solaire généré par la dynamo interne du Soleil. Une tache solaire typique se résorbe en quelques semaines tout au plus, laissant la place à des champs magnétiques beaucoup plus faibles. "

C’est alors qu’intervient le tapis roulant.

" Le sommet du tapis roulant vient frôler la surface du Soleil, emportant avec lui les champs magnétiques dégénérés des défuntes taches. Ces " dépouilles " sont alors entraînées vers les pôles jusqu’à une profondeur de 200 000 km à l’intérieur du Soleil, où la dynamo solaire peut les ranimer. Une fois que ces " dépouilles " sont " réincarnées ", amplifiées en fait, elles retrouvent leur flottabilité et remontent à la surface. " Et hop ! De nouvelles taches solaires apparaissent !

Tout cela se produit en réalité très lentement. " Il ne faut pas moins de 40 ans pour que le tapis boucle un tour complet " confirme Hathaway. Dans les faits, ça peut prendre de 30 à 50 ans. Quand le tapis va vite, cela signifie que beaucoup de champs magnétiques sont recyclés et que donc le prochain cycle sera très actif en termes de taches solaires. C’est sur cette hypothèse que se fondent les prédictions actuelles. " Le tapis a tourné vite entre 1986 et 1996 " annonce Hathaway. " Les vieux champs magnétiques balayés à cette occasion devraient réapparaître sous la forme d’énormes taches entre 2010 et 2011. "

Comme beaucoup d’autres experts dans sa spécialité, Hathaway fait confiance au modèle du tapis roulant et est d’accord avec les prévisions de Dikpati concernant la sévérité du prochain maximum solaire. Mais il reste en désaccord sur un point : Dikpati prévoit le pic d’activité pour 2012, alors qu’Hathaway pense qu’il se produira plus tôt, entre 2010 et 2011.

" Les séries historiques montrent que les cycles solaires intenses montent en puissance plus rapidement que les petits " fait-il remarquer. " Je m’attends à voir les premières taches du prochain cycle apparaître dès la fin 2006 ou courant 2007, et le maximum atteint entre 2010 et 2011 ".

Qui a raison ? L’avenir nous le dira. Mais ce qui est certain, c’est qu’une tempête de grande ampleur se prépare.

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