Guide de l’auto-stoppeur lunaire

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
25 MAI 2005

Lorsque vous partirez pour la Lune, n ‘oubliez pas votre carte !
Lorsque vous partirez pour la Lune, n ‘oubliez pas votre carte !

Nasa

Lorsque vous partirez pour la Lune, n ‘oubliez pas votre carte ! La Nasa envisage de placer un laser en orbite lunaire afin de cartographier la surface de notre satellite naturel avec une précision jamais atteinte. Un accessoire qui s’avèrera vite indispensable pour ses futurs explorateurs.

Imaginez que vous soyez en train de cheminer péniblement au volant d’une jeep lunaire, enchaînant les kilomètres sur un terrain très accidenté. Votre mission : effectuer une reconnaissance dans un cratère susceptible d’abriter des dépôts de glace d’eau.

Quel que soit l’endroit où vous portiez votre regard, la même " splendide désolation " grisâtre s’offre à vous. " Voilà bien un endroit où il ne ferait pas bon se perdre " vous dites-vous. Soudain, le système de navigation de votre jeep vous indique que vous êtes enfin arrivé à destination. Mais… il n’y a pas de cratère ! Bon, pensez-vous, il ne doit pas être bien loin, la carte n’est simplement pas tout à fait exacte. Mais dans quelles proportions est-elle fausse ? Un kilomètre ? Dix ? Et dans quelle direction ? Bien vite, vous vous rendez à l’évidence : Si vous ne voulez pas prendre le risque de vous perdre et d’épuiser vos réserves en oxygène, il faut annuler la mission et rentrer à la base sans plus tarder.

Ce qui n’est encore qu’un récit de science-fiction deviendra un jour un problème de la vie quotidienne, du moins pour la poignée d’hommes qui les premiers s’établiront sur la Lune. Selon la nouvelle vision pour l’exploration spatiale de la NASA, l’homme sera de retour sur la Lune en 2015. Il s’agira d’une étape décisive sur le chemin de Mars, et au-delà dans le système solaire. Sur la Lune, qui se trouve dans la très proche banlieue terrestre, les astronautes pourront s’entraîner à vivre sur un monde extraterrestre avant de tenter de plus longs séjours sur d’autres planètes.

Pourtant, en dépit de cette proximité, nos cartes lunaires sont encore très imprécises. Dans certaines zones, par exemple celles des sites d’atterrissage des missions Apollo, la position des cratères et des montagnes est assez bien connue. Elles ont été abondamment photographiées par des missions automatiques de reconnaissance, et par les astronautes eux-même. Mais dans la plupart des autres régions, on ne connaît que très approximativement l’aspect du relief lunaire. " Si vous demandez la position d’un cratère précis sur la face cachée de la Lune, il y a de grandes chances pour que la réponse qu’on vous fournira soit fausse de plusieurs kilomètres " résume David Smith, un scientifique du centre spatial Goddard de la Nasa. Et même sur la face de la Lune qui nous est plus familière, des imprécisions de l’ordre du kilomètre peuvent persister.

Pour améliorer la situation, la Nasa a prévu de placer en orbite lunaire un altimètre laser de haute précision de façon à créer une carte en 3 dimensions de sa surface. Quand elle sera terminée, la carte sera si précise qu’elle permettra de connaître les coins et recoins de la Lune mieux que certaines régions terrestres ! Mieux que les cartes d’état-major, dressées et distribuées en France par l’Institut Géographique National.

Ce laser a un joli nom puisqu’il s’appelle " Lola ", qui est l’acronyme de " Lunar Orbiter Laser Altimeter ", soit altimètre laser en orbite lunaire. Lola fonctionne en envoyant depuis l’orbite lunaire des impulsions de lumière laser vers la surface. En mesurant le temps que met le reflet de cette lumière à lui parvenir, Lola calcule la distance qui la sépare de la surface. Lola est capable de mesurer le temps de parcours des impulsions laser avec une précision de 0.6 nanosecondes, soit moins d’un milliardième de seconde. L’erreur en altitude correspondante est de 10 centimètres.

" D’une certaine façon, la Lune est un objet idéal pour réaliser ce type de mesure car elle est dépourvue d’atmosphère. Aussi rien d’autre que la surface ne vient perturber la propagation des impulsions laser " indique Smith, qui est le responsable scientifique de l’instrument.

Lola cartographiera ainsi la Lune pendant au moins un an, placée sur une orbite polaire, c’est à dire passant par les pôles nord et sud à chaque fois, en 113 minutes. Elle enverra ses impulsions laser au rythme de 28 par seconde. Chaque impulsion consistera en un motif en croix dessiné par 5 pointeurs laser, lesquels couvriront une superficie de 50 m_. Au total, Lola devrait accumuler plus de 4 milliards de mesures de l’altitude de la surface lunaire. Après la prise en compte d’une inévitable marge d’erreur due aux imprécisions dans l’altitude de l’orbite de Lola, la marge d’erreur combinée (mesure + altitude) sera inférieure à un mètre dans le sens vertical, et 50 mètres à l’horizontale. La précédente mission de cartographie lunaire, Clémentine, en 1994, avait respectivement 100 mètres et… 30 kilomètres de marge d’erreur.

Cette nouvelle carte, en combinaison avec des images à haute résolution prises simultanément depuis la même plateforme, offriront de loin le meilleur modèle de la surface lunaire jamais obtenu.

Les utilisations possibles abondent. " Une connaissance détaillée de la surface lunaire, la façon dont elle diffère d’une sphère parfaite par exemple, peut nous apprendre beaucoup sur la façon dont elle s’est formée. " fait remarquer Smith.

Ce sera également un fantastique jeu vidéo… Imaginez-vous en train de survoler virtuellement le paysage lunaire comme si vous y étiez, bondissant du sommet d’une colline, plongeant à l’intérieur d’un cratère, frôlant son piton central, revisitant les sites d’atterrissage des missions Apollo… On ne devrait pas manquer de volontaires pour un entraînement dans ce monde lunaire virtuel.

Et pour ceux qui iront vraiment sur la Lune, les cartes établies par Lola ne seront pas un jeu, mais un accessoire aussi vital que leur scaphandre. Imaginez qu’ils soient surpris, loin de leur base, par une alerte à l’éruption solaire. Un coup d’œil à leur carte, et ils pourront se rendre dans l’abri naturel le plus proche, en attendant que l’orage de particules passe. Désorientés par la poussière lunaire soulevée par les roues de leur jeep ? Lola les ramènera aussitôt dans le droit chemin. Et ce cratère plein de glace d’eau que nous cherchons en vain depuis tout à l'heure ? Il sera exactement là où l’indiquera le système de navigation…

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