Pourquoi une telle sécheresse ?

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Patrick L. Barry
traduction de Laurent Laveder
24 MAI 2004

La majeure partie de l’ouest des Etats-Unis souffre de la sécheresse à divers degrés. Les couleurs les plus sombres correspondent aux zones les plus sèches.
La majeure partie de l’ouest des Etats-Unis souffre de la sécheresse à divers degrés. Les couleurs les plus sombres correspondent aux zones les plus sèches.

National Drought Mitigation Center.

L’Ouest des Etats-Unis semble bien parti pour connaître une nouvelle saison chaude particulièrement sèche. Quelle est l’explication de ce phénomène ? La science, si elle fournit quelques éléments de réponse, soulève également de nouvelles interrogations, plus déroutantes encore.

Jusqu’ici, les gens accueillaient généralement les premiers beaux jours comme une encourageante promesse de l’été à venir. Mais pour bien des habitants de l’Ouest des Etats-Unis, l’arrivée du temps chaud est à présent annonciatrice de moments difficiles.

Dans certaines parties de l’Ouest américain, la sécheresse s’est installée depuis sept années consécutives, chose qu’on n’avait pas vue depuis des décennies. Les sols sont complètement asséchés, et les réservoirs sont au plus bas. Les agriculteurs et les gérants de cours de golf se disputent les eaux d’irrigation. Les particuliers sont soumis à de sévères restrictions.

Les derniers espoirs de répit se sont envolés avec la fin de l’hiver, car très peu de précipitations sont généralement enregistrées sur l’Ouest durant les mois d’été. Les ressources en eau de ces régions dépendent directement des précipitations neigeuses qui ont lieu sur les montagnes en hiver. La fonte de ces neiges en été alimente alors les cours d’eau. En avril 2004, la couverture neigeuse ne dépassait pas, selon les zones, 40 à 75 % de ce qu’elle est en temps normal.

La sécheresse actuelle, qui affecte entre 20 et 50 % des terres du continent nord-américain, n’est toutefois pas aussi sévère que la grande sécheresse des années 30. À cette époque, plus de 70 % des terres avaient été affectées par la sécheresse. Dans les grandes plaines, les précieuses terres arables furent balayées, entraînant un effondrement de l’agriculture, toile de fond des célèbres " Raisins de la colère " de John Steinbeck.

Qu’est-ce qui peut bien provoquer de tels épisodes de sécheresse ? Sont-ils prévisibles ? Les scientifiques se posent encore ces questions sans être certains de la réponse, mais ils progressent. Les satellites sur orbite autour de notre planète, lesquels n’existaient pas dans les années 30, fournissent à présent des informations cruciales sur les régimes des vents dominants, les précipitations, l’humidité du sol, l’état de surface des océans. Quelque part, dans cette masse de données, se trouvent les réponses.

Selon Bob Oglesby, climatologue du Centre Spatial Marshall, un des facteurs clés est la température de l’eau dans le Pacifique. La température des eaux de surface du Pacifique influe directement sur le cours du Jet stream qui souffle en direction de l’Est au-dessus des Etats-Unis. Ce " fleuve des airs " de haute altitude est une sorte de tapis roulant pour les précipitations, aussi son parcours au travers du continent a-t-il une influence prépondérante sur les lieux où la pluie va tomber. En donnant la direction du Jet Stream, l’Océan Pacifique dirige la symphonie météorologique qui est interprétée au-dessus de l’Amérique du Nord.

Par exemple, un épisode " El Nino " particulièrement marqué lors duquel les eaux de surface du Pacifique situées près de l’équateur sont très chaudes va déclencher d’importantes précipitations en Californie. En revanche, lorsque c’est l’inverse qui se produit (" la Nina "), c’est plus au nord, sur l’état de Washington et le Canada, que les précipitations se concentrent. Là où un des phénomènes déclenche une sécheresse, l’autre l’atténue. Mais en fait la réalité est plus compliquée : alors qu’une légère " La Nina " se profilait dans le Pacifique au début de l’actuelle sécheresse (ce qui était attendu), le passage à un " El Nino " modéré en 2003 n’inversa pas la tendance.

" C’est un domaine de recherche particulièrement actif en ce moment " confirme Oglesby, " les chercheurs tentent de repérer précisément quelles causes entraînent quels effets ".

Oglesby et ses collègues essayent pour leur part de comprendre comment les terres émergées et l’atmosphère interagissent pendant une période de sécheresse, s’intéressant plus particulièrement au rôle joué par la couverture neigeuse et l’humidité du sol.

La difficulté tient en partie au fait que les conditions météorologiques dépendent de beaucoup de " boucles de rétroaction " qui compliquent à l’envi le modèle et mettent en échec les explications fondées sur de simples relations de cause à effet. L’humidité du sol est à la source d’une telle boucle de rétroaction pendant les épisodes de sécheresse. Oglesby nous explique comment :

" Une fois que vous entrez dans un épisode de sécheresse et que le sol se déshydrate, cette baisse de l’humidité du sol peut contribuer à intensifier et perpétuer la sécheresse. "

Normalement, l’évaporation de l’humidité du sol consomme l’essentiel de l’énergie véhiculée par le rayonnement solaire en été. Sans cette humidité à évaporer, l’énergie non utilisée par le processus d’évaporation vient encore augmenter la température du sol.

De nos jours, " la sécheresse n’est pas seulement le fait d’une baisse des précipitations " prend soin de préciser le climatologue Roger Pielke, de l’Université du Colorado. " Il faut également considérer l’impact de l’activité humaine, que ce soit par le biais de l’irrigation pour les cultures ou celui de la consommation d’eau potable. Si la sécheresse actuelle est bien loin d’être aussi sévère que celle des années 30, son impact est tout aussi sensible car la demande en eau a explosé depuis.

Cela ne fait que rendre encore plus compliquée une situation déjà bien compliquée. Impact de l’activité humaine, modification de la circulation atmosphérique à grande échelle du fait de la température de surface des océans, interactions complexes entre les terres émergées et l’atmosphère, tous ces facteurs jouent un rôle certain. Les climatologues ne savent pas encore déterminer la part de chacun avec une précision suffisante pour parvenir à prédire les épisodes de sécheresse avec plusieurs années de préavis. Pour tout dire, même ce que réserve l’hiver prochain est encore un mystère.

Une chose semble cependant certaine : avec des niveaux d’humidité du sol et de couverture neigeuse aussi faibles que ceux enregistrés actuellement, les habitants de l’Ouest des Etats-Unis peuvent s’attendre à coup sûr à un nouvel été de grande sécheresse.

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