article original publié par Science @ Nasa
auteur : Ron Koczor
traduction de Didier Jamet
2 OCTOBRE 2003
" Tindalia californiensis occupe une niche intéressante dans la chaîne alimentaire du lac Mono " note Hoover.
Elle a absolument besoin de sodium et son métabolisme repose principalement sur l’ingestion de peptone, une protéine issue de la digestion. Mais elle peut également se nourrir d’une paire d’acides aminés. En revanche, elle n’utilise pas les sucres ni les hydrates de carbone, contrairement à toutes les formes de vie plus complexes, et elle ne peut pas se nourrir de composés chimiques inorganiques. "
On a découvert des acides aminés dans des météorites et beaucoup de scientifiques pensent qu’on en trouvera en d’autres endroits de l’espace. Considérant que les acides aminés sont des molécules hydrocarbonées non vivantes, et qu’ils sont les constituants primordiaux des protéines, un organisme qui s’en nourrit, tel que Tindalia californiensis, pourrait en fait être un représentant d’un stade primitif de vie bactérienne.
Un peu plus tôt dans l’année, Hoover et Pikuta avaient annoncé un autre étrange microbe : Spirochaeta americana. Ils l’avaient découvert vivant en compagnie de Tindalia californiensis, et peut être plusieurs centaines d’autres espèces microbiennes comparables, dans les prélèvements de boue du lac Mono. Trouver de nouvelles espèces dans cette abondante collection de vie microbienne est un travail d’enquêteur digne de Perry Mason ou d’Hercule Poirot.
" Prélever des échantillons du fond boueux de ce lac et maintenir en vie les microbes qui s’y trouvent n’est pas chose facile " affirme Hoover. " La simple présence d’oxygène suffit à les tuer, aussi faut-il les en préserver avec grand soin. "
" La batterie de tests nécessaire à l’identification d’une espèce particulière dans un échantillon donné est considérable " confirme Pikuta.
" Pour qu’un organisme soit identifié et reconnu comme une nouvelle espèce, il faut que nous en connaissions tout. Cela comprend ses conditions de développement et son métabolisme, le comportement de sa colonie, ses caractéristiques cellulaires, son ADN et les propriétés de son génome, et pour finir sa sensibilité aux antibiotiques. C’est à ce prix que l’on peut obtenir une comparaison détaillée avec les formes de vie déjà connues.
Avant qu’une espèce puisse être considérée comme nouvelle, elle doit d’abord être enregistrée dans deux catalogues de micro organismes internationaux indépendants, et un article scientifique décrivant toutes les nouvelles caractéristiques de l’organisme en question doit être publié soit dans le Journal International de Microbiologie Systématique et Evolutionnaire , soit publié dans un autre journal mais alors vérifié par le Comité International de Systématique des Procaryotes , la chambre d’enregistrement des espèces bactériennes.
Une fois qu’un microbe est reconnu comme une espèce nouvelle à part entière, le chercheur peut enfin se dire que toutes ces années passées à patauger dans la boue nauséabonde d’un lac ou derrière une paillasse de laboratoire ne l’ont pas été en vain. Il a ainsi contribué à agrandir un peu plus le pays de Boucle d’Or.
Et ce faisant, il a contribué à rendre plus crédible que jamais l’idée qu’une forme de vie puisse existe ailleurs dans l’Univers.
Quelques liens pour aller plus loin
La vie n’était pas celle que nous croyions.
À la recherche des extrêmophiles
La chimie du lac Mono, vu en 3D, pendant STS 47, et par Don Pettit
Scène estivale de chasse au microbe
