article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
13 AOUT 2003
Ce n’est pas tous les jours que l’on peut regarder fondre une calotte polaire. Pourtant c’est le cas ce mois-ci. De quoi avez-vous besoin pour cela ? Un ciel dégagé, un télescope de bon diamètre, et une carte du ciel pour trouver Mars.
En fait, vous n’aurez même pas besoin de carte du ciel tant Mars est actuellement brillante et facile à trouver : contentez-vous de regarder en direction du sud à partir de minuit. Mars est cette immanquable étoile rouge, beaucoup plus brillante que tout ce qui l’environne. Elle gagne en éclat de nuit en nuit, la Terre et Mars se rapprochant de plus en plus jusqu’à atteindre leur proximité maximale le 27 août.
Mars est devenue si proche ces dernières semaines que son observation dans un télescope amateur peut vous révéler des détails de sa surface : nuages de poussières, terrains volcaniques, bassins d’impact… Le plus flagrant est sa calotte polaire. L’hémisphère sud de Mars est incliné vers la Terre, et sa brillante calotte polaire, qui réfléchit plus de lumière solaire qu’aucune autre partie de la planète, est remarquablement facile à repérer.
Mais n’attendez pas trop quand même : la glace est en train de fondre.
Comme la Terre, Mars connaît le phénomène des saisons, et ses calottes polaires varient au rythme de celles-ci. « C’est actuellement la fin du printemps pour le pôle sud martien. La calotte polaire régresse car elle est à présent directement exposée au rayonnement solaire » nous explique le planétologie Dave Smith du Centre Spatial Goddard. « l’été austral martien débute le 29 septembre. D’ici là, l’essentiel de la calotte aura disparu. »
C’est un spectacle intéressant à suivre.
La calotte en régression forme des crevasses, des points sombres, et des contours irréguliers. Dernièrement par exemple, des astronomes amateurs pourvus de télescopes de 300 à 350 mm de diamètre ont pu observer une chaîne de montagnes émerger de la glace. Selon Smith, « ce sont les montagnes de Mitchel, du nom de l’astronome de l’Ohio qui le premier les observa il y a 150 ans de cela. Une faille sombre très nette appelée Rimas Australis traverse la calotte polaire juste au sud de ces montagnes.
Un autre endroit qui vaut le détour est la « région Cryptique », une région sombre qui dépasse les 1500 km de long. Même après que la glace au-dessus d’elle est partie, la région Cryptique reste à une température remarquablement basse, si l’on en croit les caméras infrarouges embarquées à bord de la sonde de la Nasa Mars Global Surveyor. On ne sait pas exactement à quoi correspond la région Cryptique, « mais c’est assez grand pour être vu depuis la Terre » d’après Smith.
Voici une chose étonnante : les calottes polaires saisonnières sont constituées de dioxyde de carbone (CO2) qui gèle durant l’hiver, et qui est le principal constituant de la faible atmosphère martienne. Selon la période de l’année, on peut donc retrouver jusqu’à un tiers de l’atmosphère martienne ainsi fixé aux pôles sous forme de glace.
Au fil des saisons, ce CO2 va et vient, fixé au sol durant l’hiver, flottant dans l’atmosphère pendant les mois plus chauds. Sur toute la planète, la pression atmosphérique connaît ainsi des variations saisonnières de 25%.
En comparaison, la pression atmosphérique à l’intérieur d’un cyclone est seulement quelques % plus faible qu’à l’extérieur. Pour ressentir ce que représente une telle variation de 25% de la pression atmosphérique sur Terre, il vous faut passer du niveau de la mer jusqu’au sommet d’une montagne de 2800 mètres d’altitude.
La calotte polaire australe est actuellement en train de fondre, ce qui signifie que le CO2 se précipite dans l’atmosphère. « Mais attention » met en garde Smith, « n’oublions pas qu’il y a deux calottes polaires sur Mars, une au sud et une au nord. Tandis que celle située au sud s’évapore, celle du nord s’étend. C’est un équilibre subtil. La pression atmosphérique moyenne sera la plus élevée lorsqu’il subsistera le moins de CO2 au sol, soit normalement début octobre prochain (au début de l’été austral martien).
L’augmentation sensible de la pression atmosphérique a des conséquences passionnantes. Elle pourrait même permettre la présence d’eau liquide à la surface de la planète rouge. Découvrez comment dans la suite de cet article « De l’eau liquide sur Mars en été ? » (lien ci-dessous)
