article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
31 JUILLET 2003
Hoover a prévu de bientôt retourner au lac Mono afin d’y prélever plus de microbes. Cette recherche tombe à pic car le lac Mono ressemble à un site martien appelé Gusev, un cratère près duquel le rover martien Spirit doit atterrir en 2004. Qu’est-ce que Spirit va y trouver ? Le lac Mono pourrait nous en donner une avant-première.
Il n’y a pas d’eau dans le cratère Gusev aujourd’hui tempère Hoover, mais il y en a peut être eu jadis. Le cratère s’est formé sous l’impact d’une météorite il y a plus de 3,5 milliards d’années de cela. Si, comme le pensent les chercheurs, il y avait de l’eau sur Mars à cette époque, elle aurait rempli le cratère Gusev par les chenaux d’un immense système de canyons appelé Ma’adim Vallis. Comme le cratère n’a aucun débouché, il serait alors devenu un lac évaporant tout comme le lac Mono.
Il est très peu probable que de quelconques microbes soient encore en vie dans le cratère Gusev aujourd’hui même, mais leurs fossiles y sont peut-être. Un bon endroit pour chercher serait à l’intérieur de dépôts minéralogiques ou des concrétions de tufa, si jamais il s’en trouve.
Au lac Mono, les microfossiles sont abondants dans le tufa. Ces sortes de stalagmites se forment quand les eaux de source riches en calcium jaillissent dans les eaux du lac, qui elles sont riches en bicarbonates. Le calcium et les bicarbonates se combinent, précipitant sous forme de calcaire et enfouissant du même coup les microbes.
Les concrétions de tufa ne se développent que sous le niveau de l’eau, or au lac Mono elles crèvent la surface. C’est tout simplement parce que le niveau des eaux du lac a été abaissé ces dernières années afin d’approvisionner l’agglomération de Los Angeles en eau, près de 600 kilomètres plus au sud. Sur Mars aussi le niveau d’eau a été abaissé. Comment, personne ne le sait. Mais si Spirit revelait la présence de concrétions dans le cratère Gusev, la découverte parlerait d’elle-même : un signe évident du passage ancien de l’eau, et peut-être d’un environnement qui jadis abritait la vie.
Après une semaine passée au lac Mono, Mark Twain en eut assez des « cendres, de la solitude et de ce désespérant silence. L’excitation de la découverte a disparu » conclut-il avant de partir de bon cœur.
Peut-être que s’il avait mieux connu Mars et les formes de vie dissimulées dans le lac Mono, Mark Twain aurait vécu différemment son séjour. L’exobiologiste Richard Hoover n’a qu’une hâte : y retourner.
Note : la découverte de Spirochaeta americana par Richard Hoover et Elena Pikuta a été publiée dans le numéro de mai 2003 de l’International Journal of Systematic and Evolutionary Microbiology. Référence de l’article : Spirochaeta americana sp. nov., a new haloalkaliphilic, obligately anaerobic spirochaete isolated from soda Mono Lake in California, Hoover et. al., 2003, 53, 815-821.
Quelques liens pour aller plus loin
Communiqué de presse officiel de la découverte avec plus de photos
À la recherche de microbes des glaces
Mark Twain, auteur de Roughing it (Vivre à la dure), auquel il est fait référence dans cet article.
La formation de Ma’adim Vallis
Le lac Mono, en images 3D, et vu depuis l’orbite terrestre, notamment par Don Pettit.
Le programme d’exploration martienne de la Nasa
