Les mystères de la mousse

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Patrick L. Barry
traduction de Didier Jamet
12 JUIN 2003

Une mousse, c’est beaucoup d’air emprisonné dans des bulles et un peu de liquide entre les bulles. Une mousse approchant de son point critique serait constituée de bulles d’air parfaitement rondes, comme l’illustre le motif ci-dessus
Une mousse, c’est beaucoup d’air emprisonné dans des bulles et un peu de liquide entre les bulles. Une mousse approchant de son point critique serait constituée de bulles d’air parfaitement rondes, comme l’illustre le motif ci-dessus

D.Sandler

Qu'est-ce qui est principalement constitué de gaz, d'une larme de liquide, et se comporte comme un solide doué d'élasticité ? Les mousses. Elles font tellement partie de notre quotidien que nous ne nous rendons pas compte à quel point elles sont étranges. Une équipe scientifique conçoit actuellement une expérience qui devrait nous permettre de mieux comprendre les complexes phénomènes physiques qui régissent ces mystérieux matériaux. Elle prendra prochainement place à bord de l'ISS.

Voulez-vous créer une substance hors du commun ? Alors versez un peu de liquide vaisselle dans l'évier et ouvrez le robinet.

Bien qu'elle soit essentiellement constituée d'air, la mousse savonneuse que vous venez d'obtenir dans cet évier se comporte néanmoins comme un solide élastique. Curieux n'est-ce pas ?

Douglas Durian, professeur de physique à l'université de Californie, vous suggère cette autre expérience :

" Prenez un peu de mousse à raser dans le creux de votre main. Touchez là. Mettez-y vos doigts. Et maintenant, posez-vous la question : est-ce un solide, un liquide, ou bien un gaz ?

Les mousses aqueuses ordinaires, comme la mousse à raser ou celle de votre évier, contiennent 95 % de gaz et 5 % de liquide. Le gaz subdivise le liquide en une matrice de minuscules bulles. Les bonnes mousses contiennent généralement des molécules complexes qui renforcent les parois des bulles. les matières grasses du lait par exemple, jouent ce rôle dans la crème Chantilly. La façon dont les bulles adhèrent les unes aux autres, ou au contraires glissent, détermine la façon dont la mousse se comporte.

Les mousses sont si présentes dans notre vie quotidienne qu'elles ne nous intriguent plus guère. Nous les appliquons sur notre corps pour nous raser, sur nos couverts pour les laver, et nous les voyons surmonter nos verres de boissons gazeuses. "Et pourtant la physique des mousses est très mal connue" confirme Durian.

Tout ce que l'on en sait provient de processus "d'essais-erreurs" expérimentaux. il n'existe à l'heure actuelle aucune théorie qui permet de prédire exactement la rigidité ou la fluidité d'une mousse en fonction de la taille de ses bulles ou de la quantité de liquide qu'elle contient.

Et pourtant la rigidité précise d'une mousse est un paramètre crucial pour beaucoup d'utilisations : par exemple une mousse anti-feu doit pouvoir jaillir rapidement de l'extincteur, puis adhérer fermement à là zone où elle a atterri. Autre exemple, un agent décontaminant de lutte contre les armes bactériologiques doit pouvoir s'insinuer dans les moindres failles et interstices d'une surface afin d'y éliminer à coup sûr tout microbe qui y aurait trouvé refuge.

Durian souhaiterait lever les incertitudes qui pèsent sur les mousses en en apprenant plus sur leurs principes physiques fondamentaux. C'est l'objet d'une expérience qu'il conçoit avec quelques collègues, et qui est destinée à prendre place à bord de l'ISS. Cette expérience s'appelle FOAM, qui signifie "mousse" en anglais, et qui est aussi l'acronyme de "Mécanique et Optique de la Mousse"

Un domaine inexploré

"une façon classique d'étudier un matériau consiste à s'intéresser à ses "points critiques", les seuils à partir desquels il change de phase, passe de l'état solide à l'état liquide par exemple" explique Durian. "C'est ce que nous allons faire avec FOAM".

Les mousses, qui peuvent se comporter comme des solides, contiennent en partie du gaz et en partie du liquide. Qu'est-ce qu'un changement de phase peut bien signifier pour un tel matériau ?

Durian nous l'explique: " Le point critique de la mousse correspond au moment où la proportion de liquide est si grande (environ 37% du volume) que les bulles de gaz deviennent complètement sphériques et ne se touchent plus les unes les autres que par un seul point de contact, un peu comme des billes entassées dans un pot. Au-delà, la mousse cesse de se comporter comme un empilement semi-solide de bulles pour devenir un liquide fluide à l'intérieur duquel des bulles flottent librement. Voilà à quoi correspond un "changement de phase" pour la mousse."

"Sur Terre, il est impossible d'étudier ce point critique de la mousse. en revanche dans l'espace tout s'arrange."

Pourquoi ? Découvrez le tout de suite dans la suite de cet article (lien ci-dessous) « Soirée mousse et show laser à bord de l’ISS »