article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
26 MARS 2003
Galaxies irrégulières, cités de lumière, et aurores polaires si proches qu’on pourrait presque les toucher… Voici quelques-unes des merveilles que les astronautes peuvent, avec un brin d'astuce, photographier à bord de la Station Spatiale Internationale.
La Station Spatiale Internationale est un endroit assez déconcertant pour un astronome. Les étoiles filantes vous passent sous les pieds, et les aurores polaires se promènent au bout de votre nez. De plus, les lumières de la ville scintillent, mais pas les étoiles.
L'astronaute Don Pettit savoure chaque instant de sa présence en orbite.
D'après lui, "il y a toujours quelque chose d'intéressant à voir depuis la station spatiale". Du coup, il arrive que l'astronome amateur qui sommeille en lui prenne le dessus sur le responsable scientifique.
" Dernièrement, nous avons eu droit à d'extraordinaires aurores polaires. On aurait dit de gigantesques amibes vertes ondulant dans le ciel. Parfois les aurores s'ornent d'un délicat trait rouge surplombant la dominante verte. Leur luminosité change constamment, elles ondoient, certaines zones gagnent en intensité, puis s’affaiblissent alors que d’autres prennent le relais. Des formes au départ indistinctes s'organisent peu à peu en rayons verticaux, chapeautés par une sorte de duvet rougeoyant."
L'intérêt de Pettit pour les aurores polaires ne date pas d'hier. " Même si certaines des aurores polaires que j'ai eu l'occasion d’observer depuis le Canada ou l'Alaska étaient splendides, rien ne vaut la vue que nous avons depuis la station. "
Les aurores polaires sont produites par l'impact sur la haute atmosphère d'électrons et de protons en provenance de l'espace. Le vent solaire, au travers de complexes interactions avec le champ magnétique terrestre, est la source d'énergie privilégiée qui véhicule ces particules vers notre planète.
Quand ces particules frappent le sommet de l'atmosphère, elles excitent les atomes et les molécules ce qui les rend lumineux. Les couleurs rouges et vertes sont émises par l'oxygène atomique, le bleu par l'azote.
Ces draperies lumineuses colorées se situent à une altitude comprise entre 80 et 500 km au-dessus de la surface terrestre. La station spatiale internationale ayant une altitude moyenne de 400 km, il lui arrive de traverser ces aurores.
Cela ne représente pourtant aucun danger pour les astronautes. Les protons et les électrons à l'origine des aurores sont des milliers de fois moins énergétiques que les rayons cosmiques, lesquels sont potentiellement dangereux.
" En janvier dernier, nous avons traversé un rideau d'aurores au-dessus du Canada" se souvient Pettit. La station baignait alors dans une sorte de brouillard rougeâtre luisant faiblement. Juste en dessous, on voyait serpenter des rivières de lumière verte.
« C'était comme si j'avais été réduit à une dimension minuscule et introduit dans une enseigne au néon. Et tout ça se passait juste de l'autre côté de la vitre. J'aurais tellement voulu pouvoir passer le bras au-dehors et toucher le phénomène... Mais bien sûr, c'était impossible.
Après quoi il m'a fallu essuyer le hublot pour y enlever les marques laissées par le bout de mon nez... »
Mais il n'y a pas que les aurores qui soient dignes d'intérêt à bord de l’ISS : " L’autre jour, tandis que je regardais vers la terre depuis le hublot du laboratoire Destiny, je vis passer une étoile filante."
Elles se désintègrent dans l'atmosphère terrestre, donc sous la station, et on ne peut les apercevoir que si l'on regarde vers la Terre.
" On peut aussi voir des débris spatiaux passer à proximité de la station. Parfois ils semblent clignoter parce qu'ils sont en rotation et que la lumière se réfléchit différemment selon les irrégularités de surface du débris. On observe également des satellites. Récemment, j'ai pu fixer sur la pellicule un "flash" de satellite Iridium non loin de la constellation de la Croix du Sud, et j'en étais plutôt content.
Il y a peu, Pettit a pris de très belles images de champs stellaires visibles dans l'hémisphère sud : le grand nuage de Magellan ( une petite galaxie en orbite autour de notre Voie Lactée), la nébuleuse du sac à charbon (un nuage interstellaire très obscur), et la Croix du Sud.
Si sur orbite le ciel est une source permanente d’émerveillement, ce qui se passe sur Terre ne manque pourtant pas d’intérêt. De nouveaux défis techniques y attendent l’astrophotographe de haut vol. Lesquels ? C’est ce que vous allez tout de suite découvrir dans la suite de cet article « les Cités de lumière » (lien ci-dessous)