Mars : et sous la neige coule une rivière ?

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
20 FEVRIER 2003

A l’intérieur de la dépression de Newton, d’étroits chenaux serpentent du sommet jusqu’au sol. Ces « ravines » et bien d’autres ont été observées pour la première fois sur des images haute résolution prises par Mars Global Surveyor.
A l’intérieur de la dépression de Newton, d’étroits chenaux serpentent du sommet jusqu’au sol. Ces « ravines » et bien d’autres ont été observées pour la première fois sur des images haute résolution prises par Mars Global Surveyor.

MGS, JPL, NASA

Lorsque, il y a trois ans de cela, Mars Global Surveyor transmit des images de ce qui semblait être des traces fraîches de ravinement, les chercheurs furent perplexes. La surface de Mars est extraordinairement sèche. Qu’est-ce qui aurait bien pu dessiner de telles structures ? à présent, grâce à de nouvelles données fournies par Mars Odyssey, il est possible d’apporter une nouvelle tentative d’explication : la fonte des neiges.

Selon le chercheur Philip Christensen, les ravines auraient été créées par de minces filets d’eau s’écoulant de couches de neige en train de fondre, et non par des sources souterraines affleurantes ou des résurgences sous pression, comme cela avait été initialement envisagé. Christensen est professeur à l’Université d’état d’Arizona, et directeur de recherche des systèmes photographiques de Mars Odyssey.

Selon son scénario, exposé pour la première fois dans les colonnes de l’édition Internet du Journal Nature le 19 février 2003, l’eau liquide pourrait s’écouler librement à l’abri des couches de neige où elle trouverait sa source, le manteau neigeux empêchant l’évaporation rapide qui sans cela ne manquerait pas de se produire dans l’atmosphère ténue de la planète rouge.

Christensen a eu cette idée en observant l’image d’un cratère d’impact martien transmise par Mars Odyssey. Il a alors remarqué des ravines ayant subi un phénomène d’érosion sur la glaciale paroi nord du cratère et, juste à coté, une portion de ce qu’il appelle du « terrain englué ». Ce terrain se caractérise par des dépôts réguliers de matériaux dont les chercheurs ont conclu qu’il étaient « volatiles » (c’est-à dire constitués de matières susceptibles de s’évaporer dans l’atmosphère martienne), car il n’apparaissent typiquement que dans les zones les plus froides et les plus abritées.

Le candidat le plus probable pour ce matériau en évaporation lente est la neige d’eau.

Christensen a alors eu l’intuition d’une relation privilégiée entre les ravines et la neige.

« Tout indique de façon claire que ces ravines se trouvent mises à jour au fur et à mesure que le terrain « englué » disparaît par fonte et évaporation. »

Les ravines érodées sur les parois du cratère et les escarpements furent initialement observés sur des images prises par Mars Global Surveyor en 2000. D’autres scénarios ont été avancés pour expliquer leur présence, parmi lesquelles des suintements d’eau souterraine, des minis geysers d’eau ou de dioxyde de carbone, ainsi que des coulées de boue provoquées par l’effondrement de couches souterraines de permafrost, mais jusqu’à présent aucune de ces explications n’a fait l’unanimité.

« Les ravines sont très récentes » affirme Christensen. « Cela me tracassait depuis le début : comment Mars pouvait-elle avoir des réserves d’eau liquide suffisamment proches de la surface pour pouvoir former ces ravines ? Qui plus est, il aurait fallu admettre que ces réserves seraient restées là pendant des milliards d’années pour finir par refaire surface un beau jour.

D’autre part, on observe des cratères dont les bords sont élevés, et les ravines n’apparaissent quasiment qu’au sommet de ces parois. Si l’idée de pouvoir trouver des nappes aquifères sous la surface est raisonnable, il est peu probable qu’elles se trouvent toutes concentrées au sommet des parois. Et finalement, pourquoi ces nappes aquifères apparaitraient-elles de façon privilégiée sur les parois les plus froides de pentes situées à des latitudes moyennes ? »

On voit mal en effet sous l’influence de quel mécanisme de l’eau retenue prisonnière dans le sol se mettrait à fondre et à sourdre dans les régions les plus improbables pour cela.

Christensen insiste sur le fait que son scénario expliquant la présence de traces d’érosion par de l’eau provenant de dépôts de neige en train de fondre est cohérent avec les observations énumérées ci-dessus.

« Sur Mars, où avez-vous des chances de trouver de la neige ? Sur les pentes qui font face au pôle nord ou sud, c’est à dire les zones les plus froides.

Dans ces zones, la neige s’accumule et enveloppe le paysage pendant une période climatique donnée, puis elle fond pendant la saison chaude suivante. La fonte débute avec le plus d’intensité dans les zones les plus exposées, juste au sommet de la crête. C’est ce qui explique pourquoi les ravines se forment si haut. »

Dès qu’il a commencé à envisager l’hypothèse neigeuse, Christensen a trouvé dans la banque d’images haute résolution prises par Mars Global Surveyor un grand nombre de clichés suggérant eux-aussi une relation privilégiée entre « terrains englués » couverts de neige et ravines.

C’est en fait le grand angle de vue de l’appareil de prise de vue en lumière visible qui s’est révélé crucial pour le mettre sur la piste.

« l’idée de base de ce scénario vient du fait que j’ai disposé d’une vue régionale étendue, comme celle que fournissent les systèmes de prise de vue d’Odyssey. C’est typiquement l’histoire de l’arbre qui cache la forêt. Une image d’Odyssey m’a donné le déclic car sa résolution était suffisamment élevée pour identifier les ravines, et la surface couverte suffisamment étendue pour que la relation entre ravines et terrains neigeux soit clairement mise en évidence. »

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