La conquête spatiale revient à la bougie !

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Patrick L. Barry
traduction de Didier Jamet
31 JANVIER 2003

La navette spatiale Columbia quittant la Terre le 16 janvier 2003 pour mener à bien la mission STS 107
La navette spatiale Columbia quittant la Terre le 16 janvier 2003 pour mener à bien la mission STS 107

Becky Ramotowski

Oubliez l’antimatière et les cristaux de di-lithium : Les carburants spatiaux du futur pourraient être constitués d'un matériau d’une simplicité déconcertante : la cire de bougie !

Tandis que, harnaché à bord de la capsule Mercury, l'astronaute alan Shepard piaffait d'impatience en attendant le commencement du compte à rebours qui ferait de lui le premier américain dans l'espace, il eut cette petite phrase  : "Allumons cette bougie ! "

Il s'avère aujourd'hui que ces mots avaient peut-être une valeur prophétique.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le centre de recherche Ames de la NASA teste depuis 2001 un nouveau carburant pour fusée à base de... cire de bougie.

" Encore plus fort, c'est sur Internet que nous avons passé commande de la cire nécessaire à nos essais de combustion, auprès d'une entreprise qui vend de la cire à bougie en gros" confirme Arif Karabeyoglu, qui est à l'origine de la théorie des carburants pour fusées à base de paraffine, et est actuellement chercheur associé à l'université de Stanford.

" Nous utilisons exactement la même cire que celle utilisée dans les bougies fantaisie " poursuit-il.

Plus sûr à manipuler et moins nocifs pour l'environnement que les carburants solides d'aujourd'hui, cet avatar moderne d'une source d'énergie antique pourrait bien un jour propulser des fusées supersoniques dans l’espace. Il pourrait même être à l'origine d'une nouvelle génération de propulseurs à carburant solide pour la navette qui présenteraient un avantage décisif sur ceux d'aujourd'hui : un bouton d'arrêt d'urgence.

La cire de bougie pourrait sembler être un carburant extraordinairement primitif pour la technologie astronautique du XXIe siècle. Cela fait plus de 5000 ans que l'humanité utilise des bougies, aujourd'hui essentiellement faites à base de cire de paraffine. Pourquoi personne n'a-t-il pensé plus tôt à les utiliser pour propulser des fusées ?

Ainsi que vous avez pu l'expérimenter la dernière fois que vous avez allumé une bougie, la paraffine se consume en général très tranquillement, et il est à peu près impossible de la faire brûler sans mèche. On ne peut pas dire que ce soit le carburant surpuissant auquel on pense spontanément pour arracher une fusée à l'attraction terrestre !

En collaboration avec David Altman, actuellement président du groupe de propulsion spatiale, et Brian Cantwell, professeur à stanford, Karabeyoglu a découvert une façon de faire brûler la paraffine trois fois plus vite que les meilleures méthodes utilisées jusqu'ici : assez pour propulser une fusée.

Dans leur prototype, la paraffine brûle en présence d'oxygène pur. Cela suffit à porter la température de combustion à un niveau beaucoup plus élevé à ce qu'elle est dans l'air ambiant, qui ne contient environ que 21 % d'oxygène. On sait faire cela depuis déjà un moment. L'innovation de Karabeyoglu consiste à injecter sous pression l'oxygène sur la surface fondue de paraffine, avec une vitesse suffisante pour créer une sorte d'écume, comme à la surface agitée de l'océan un jour de grand vent.

Les "embruns" de paraffine créés de la sorte brûlent très rapidement, triplant le taux de combustion de la paraffine.

Plus de quarante tests de combustion ont montré que l'idée fonctionne comme prévu. C'est une bonne nouvelle pour l'industrie astronautique, car ce carburant à base de paraffine serait beaucoup plus simple et plus sûr à utiliser que les carburants toxiques et explosifs utilisés aujourd'hui.

Reprenons l'exemple d'une bougie domestique. Vous pouvez la tailler à volonté, la fondre, la mouler, et ce en toute sécurité. Si elle ne contient pas de colorants artificiels ni de parfum, vous pouvez même la chiquer. Dans une pièce correctement ventilée, vous pouvez en allumer simultanément plusieurs dizaines sans qu'une émanation de gaz toxiques ne vous rende malade.

N'essayez pas de faire de même avec un quelconque carburant pour fusée !

Une des raisons du caractère inoffensif de la cire de bougie est que l'oxydant nécessaire à la combustion est distinct de la cire elle-même l’: air ambiant dans le cas des bougies, et l'oxygène pur pour les fusées. ( Chimiquement parlant, la combustion est "l'oxydation" rapide d'un carburant, généralement obtenue en combinant ce carburant avec l'oxygène de l'air. C'est pourquoi les feux s'étouffent d'eux-même quand ils sont privés d'air frais.)

Ce type de fusée, comportant d'une part un carburant solide et d'autre part un oxydant liquide ou gazeux séparé, est appelé " propulseur hybride".

Par contraste, les fusées à carburant solide d'aujourd'hui utilisent des composés de perchlorates comme oxydant, lequel est mélangé avec le carburant avant remplissage des réservoirs. En d'autres termes, le carburant est littéralement "chargé", et prêt à exploser. Pas vraiment ce qui se fait de mieux en termes de sécurité. Et pour ce qui est de l’environnement ? C’est ce que nous allons voir maintenant dans la suite de cet article, « Le jour où la navette pourra souffler ses bougies » (lien ci-dessous)

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