Les retombées des sciences spatiales.

question posée le 12-10-2019 par Vincent

L’astronaute Charles Duke, de la mission Apollo 16, collecte des échantillons de roches près du cratère Plum sur la Lune
L’astronaute Charles Duke, de la mission Apollo 16, collecte des échantillons de roches près du cratère Plum sur la Lune

Equipage Apollo 16 , NASA

Bonjour.

Que peut-on bien répondre à ceux qui trouvent que l'on met "bien trop d'argent" dans la recherche spatiale et astronomique, le dernier mot étant alors à double-sens, au détriment d'autres « choses plus importantes » ?

Pour certains, pourtant plutôt cartésiens au départ, les gros télescopes, les fusées et autres stations internationales, ne sont que de gros jouets pour de grands enfants riches, qui pompent les ressources humaines et surtout financières pour des recherches qui leur semble bien plus utiles.

J'ai beau parler de sérendipité, d'expliquer que des découvertes scientifiques ou techniques liés à ces recherches servent dans d'autres domaines, ou encore, qu'il n'est pas possible, ou alors très dangereux, de chercher le progrès technique et scientifique en générale, tout en en interdisant volontairement les recherches dans un domaine en particulier.

Mais il semblerait que je ne sois pas objectif.

Je considère effectivement d'emblée les recherches astronomiques et astrophysiques comme une partie fondamentale de nos sciences.

J'ai acheté un livre qui parlait des issues du domaine spatial, dans d'autres domaines, dont la vie courante.

Mais ce livre ne m'a moi-même pas vraiment convaincu (je ne sais plus le quel c'était).

Auriez-vous des pistes à proposer ? Des réponses données par des scientifiques ou des spécialistes ?

réponse du 22-11-2019 par Didier Jamet

Bonjour. C'est un vaste débat qu'il serait déraisonnable d'imaginer traiter dans sa totalité en ces lieux, mais je peux cependant vous faire part de quelques réflexions personnelles, en espérant qu'elles pourront vous être utiles.

Tout d'abord, il convient de relativiser la question du coût. Le budget de l'Agence spatiale européenne divisé par le nombre d'habitants des 10 principaux pays membres fournissant 95% du budget, cela donne 15 euros par an et par tête de pipe, 20 euros en France car il faut y rajouter le budget du CNES. Je déconseille vivement à tout gouvernant d'aller devant les gilets jaunes le sourire aux lèvres pour leur dire que, grâce à l'abandon des recherches spatiales, ils vont être augmentés de 9 centimes par jour travaillé, soit moins d'un centime net de l'heure..

Ensuite, et c'est un corollaire du précédent, cet argent n'est pas jeté par les fenêtres, ni dans l'espace : il correspond pour une large part aux salaires des ouvriers, compagnons, techniciens, ingénieurs, informaticiens, chefs de projet qui rendent tout cela possible. Avec leurs familles, cela représente des dizaines de milliers de personnes directement issus et impliqués dans la société de la connaissance, avec tous ses bénéfices collatéraux pour la société.

La recherche spatiale, en France toujours, c'est aussi un outil d'aménagement du territoire, avec par exemple le rôle économique moteur du centre du CNES de Toulouse sur l'économie locale. Plus fondamentalement, c'est un savoir-faire qui peut être utile dans bien d'autres domaines, la défense bien sûr, mais aussi la recherche médicale, où de nombreuses avancées ont pu être faites grâce à des techniques d'abord mises au point pour la recherche spatiale.

Pour le dire autrement, il serait vraiment irresponsable de ne pas maintenir et transmettre ces compétences. Ainsi la prochaine fois qu'une bonne âme viendra vous parler de « l'argent foutu en l'air pour les programmes spatiaux alors qu'il y a des gens qui crèvent de faim », vous pourrez lui demander si elle ou un membre de sa famille a déjà passé une IRM, est sous dialyse ou a pu bénéficier d'une détection précoce d'une tumeur cancéreuse. Si c'est le cas, vous pourrez alors lui révéler que c'est pour une bonne part grâce à la recherche spatiale que ces bienfaits pour l'humanité ont été mis au point.

Alors bien sûr reste l'épineuse question du vol habité. Oui, envoyer des humains dans l'espace coûte cher, très cher même, et n'est que très rarement une solution optimale, puisque l'objectif numéro 1 n'est plus la mission purement scientifique en elle-même, mais le fait de ramener l'astronaute en vie. Il n'en reste pas moins que nous sommes dans une civilisation ou l'incarnation a joué et continue de jouer un rôle essentiel, où nous avons besoin de nous identifier à d'autres êtres humains pour nous autoriser à voir grand, à nous projeter, à croire au champ des possibles. De la même façon qu'ils nous faut de grands champions pour motiver nos jeunes à participer à des activités sportives, les astronautes peuvent aussi faire naître des vocations qui aideront leurs porteurs à donner le meilleur d'eux-mêmes et à se dépasser, et parfois, à égaler voire dépasser leurs modèles. Pour moi, c'est le sens même de l'aventure humaine, depuis nos ancêtres chasseurs-cueilleurs jusqu'aux explorateurs interplanétaires des temps futurs, préfigurés par nos astronautes comme Thomas Pesquet, qui sont de véritables "honnêtes hommes" des temps modernes.

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