question posée le 04-05-2019 par Lili
Bonjour. Faut il s'inquiéter du passage de l'astéroïde Apophys qui passera en 2029 ?
Y a t il des risques qu'il percute la Terre ? Peut-il causer la fin du monde ? Merci pour votre réponse.
réponse du 05-05-2019 par Patrick Babayou
L'astéroïde 99942 Apophis passera tout près de la Terre, le vendredi 13 avril 2029. Tout près, c'est-à-dire à une distance de 31.000 km, soit un dixième de la distance de la Terre à la Lune. 31.000 km c'est aussi une distance voisine de celles des satellites géostationnaires. Cela se passera donc un vendredi 13, bien évidemment un signe qui ne peut que susciter l'émoi, en plus de la distance vraiment rapprochée, fait rare pour un astéroïde de cette taille puisqu'il mesure 340 mètres dans sa plus grande largeur. En plus que de déterminer s'il représente un danger pour la Terre en 2029 ou plus tard, en 2036 ou 2068 (spoiler : non), il est encore plus intéressant de se pencher sur la manière dont il entretient l'une des nombreuses rumeurs de fin du monde.
Découvert sous l'appellation provisoire de 2004 MN4 par les astronomes Dave Tholen, Fabrizio Bernardi, and Roy Tucker, cet astéroïde a d'abord été classé au niveau 4 sur l'échelle de Turin, c'est-à-dire avec une probabilité non négligeable de collision avec la Terre. La NASA l'évoque en 2006. Et nous aussi, en 2011, à l'occasion d'une question précédente, dans laquelle nous écrivions « on ne peut totalement écarter à ce stade l'hypothèse d'un impact en 2036 ».
Les années 2029 et 2036 ont ainsi été immédiatement identifiées comme les plus favorables pour ladite apocalypse. Des dates suffisamment proches de l'année de découverte, en 2004, pour que cette découverte suscite un intérêt supplémentaire. Annoncer l'Armageddon en l'an 3570 aurait eu bien moins de prestige, même un 13 avril.
Et puis les observations de la trajectoire de l'astéroïde se sont multipliées, comme c'est le cas à chaque nouvelle découverte. Et les communiqués suivants (qui bien sûr entretiennent le suspense sur la probabilité de collision) ont permis d'écarter l'hypothèse de la fin du monde. Il faudra attendre une autre opportunité pour connaître une fin digne des dinosaures.
Ce qui est amusant c'est que plus les communiqués se succèdent à mesure que s'affine la connaissance de la trajectoire d'Apophis en excluant une collision, et moins la rumeur ne s'éteint. Un peu comme si, forcément, on nous cachait quelque chose. Parce que bien sûr, tout en accumulant les données qui permettent donc de préciser les prévisions de trajectoire, on nous cache forcément quelque chose.
Donc Apophis revient régulièrement dans l'actualité, quand par exemple la NASA publie un communiqué le 7 octobre 2009 pour redescendre officiellement Apophis au niveau 0 sur l'échelle de Turin, ou encore en et 2011 puis 2013 quand il est passé assez près de la Terre.
Et puis cette semaine, donc. Là c'est encore plus drôle : des astronomes se réunissent en congrès pour proposer des plans d'observation de l'astéroïde, y compris par des missions spatiales, lors de son passage de 2029. Ce n'est tout de même pas si fréquent qu'un tel objet nous rende visite ainsi, à portée de satellite géostationnaire, visible même à l'oeil nu pour nous autres Terriens depuis nos balcons. L'opportunité scientifique à moindre coût est évidente.
Mais non, plutôt que de se demander quoi faire de ces futures nouvelles informations, de quoi notre connaissance s'enrichira, il faut encore qu'il y en ait qui relance la machine à rumeur, le plus souvent sur la base des éléments connus et hypothèses établies lors de la découverte initiale.
Or, cette lente construction de l'information sur la trajectoire d'un corps céleste nouvellement découvert est un processus tout à fait normal. Au démarrage, on dispose de peu de données pour calculer ses éléments orbitaux, et c'est l'accumulation d'observations dans le temps qui permet de préciser les choses, et cela en particulier lors de chaque passage à proximité de la Terre.
Et toujours pas de fin du monde en vue...
Suprême facétie, le choix du nom de l'astéroïde. Et là on confine à la provocation de mauvais goût. En se raccrochant à un nom grec, quoique désignant une divinité égyptienne (mais Apep ça fait moins peur), les découvreurs de 2004 MN4 se sont inscrits dans la tradition multiséculaire des normes de nommage en astronomie.
Mais choisir Apophis, divinité en froid avec l'ordre, évocation du chaos et de l'anéantissement... franchement les gars... Sans oublier la raison culturelle principale : Dave Tholen et Roy Tucker sont fans de la série Stargate SG1 où un méchant s'appelle Apophis (j'avoue que je l'ai appris en écrivant cette réponse, comme quoi on en apprend décidément tous les jours).
C'est une question de génération, on a certes échappé à Darth Vader. Mais le choix d'Apophis contribue bien sûr à la qualité de la rumeur : avec un astéroïde qui porte le nom d'un ennemi de l'ordre, ça ne peut que mal se finir. Ils l'auraient nommé Roger (un saint évêque italien qui prônait le vivre ensemble) ou Sarah (dont on ne présente plus la bonté), ça n'aurait pas eu le même impact sur nos inconscients, à défaut d'en avoir un sur la Terre.
Allez, il reste quand même une infinitésimale chance pour 2068. Gardons l'espoir d'une fin du monde digne de notre civilisation, si nous n'avons pas définitivement éradiqué toute forme de vie d'ici là à grands coups de bilan carbone désastreux.