Sursauts Gamma :
c’est arrivé près de chez vous

article de Didier Jamet
8 FEVRIER 2002

Vue d\'artiste d\'un sursaut gamma accompagné d\'une émission tardive en optique, tel qu\'il fut observé par le satellite Beppo-Sax
Vue d'artiste d'un sursaut gamma accompagné d'une émission tardive en optique, tel qu'il fut observé par le satellite Beppo-Sax

Alfred J. Kamajian - Scientific American

On les croyait tous venus du fin fond de l’Univers, voilà que certains d’entre eux seraient en fait nos voisins de palier : les sursauts gamma sont de retour, et ils ont des choses à nous dire sur le voisinage. Commérage cosmique en vue dans le domaine des hautes énergies.

Les sursauts gamma sont le phénomène le plus énergétique qu’on puisse rencontrer dans l’Univers après le big-bang lui-même, et le plus fort est qu’il s’en produit tous les jours … Les caractéristiques paradoxales de ces bouffées brutales de rayons gamma ont eu tôt fait d’exciter la curiosité des scientifiques, dès qu’ils ont pu avoir accès aux données les concernant. En effet, le sujet est longtemps resté tabou : détecté en 1973 par des satellites espions censés ne pas exister, les militaires n’ont révélé que tardivement aux scientifiques civils l’existence du phénomène.

De nombreuses insuffisances théoriques

Quelle est donc l’origine de ces flashs de rayons gamma, suivis d’un déferlement de rayons X, d’un rayonnement radio et même parfois d’une contrepartie optique ? À vrai dire, les scénarios concurrents abondent, ce qui n’est jamais bon signe sur le degré de confiance qu’on peut leur accorder : fusion de trous noirs, tremblements d’étoiles à neutrons, chaque modèle tente de rendre compte de plusieurs aspects du phénomène, mais aucun ne parvient à en rassembler l’intégralité en un tout cohérent.

Dans ce contexte théorique très débattu, l’étude de Jay Norris, chercheur au Centre Goddard de la NASA, a le mérite de mettre en ordre une petite partie du puzzle.

Règle de trois pour évaluer la distance

La première avancée a consisté à mettre en lumière une corrélation fort utile entre la puissance de l’événement, sa luminosité et son « effet-retard » : cette dernière notion exprime le fait que les photons gamma de basse énergie atteignent les détecteurs légèrement après ceux de haute énergie. Plus le sursaut est puissant, moins l’effet-retard est grand.

À partir de là, il suffit de comparer la luminosité intrinsèque du sursaut, obtenue grâce à la mesure de l’effet-retard, à sa luminosité apparente telle qu’elle est perçue depuis la banlieue terrestre pour obtenir une bonne estimation de la distance de l’événement.

Il a ensuite fait passer ce test à plus de 1400 sursauts gamma pour lesquels il disposait de données précises. Et pour la plupart d’entre eux, il a bien trouvé les distances énormes, dites « cosmologiques », attendues par les théoriciens : les sursauts gamma sont majoritairement des évènements provenant du fin fond de l’Univers, mettant en jeu des énergies considérables.

Une bulle locale d’Univers peuplée d’irréductibles sursauts proches…

Majoritairement. Car il reste en effet un « noyau dur » d’irréductibles, une centaine (soit 7 % de l’échantillon) de sursauts dont la luminosité moindre, associée à un effet-retard marqué, est interprétée comme un indice de leur proximité.

Pour Norris, il pourrait s’agir d’étoiles supermassives, de l’ordre de 50 masses solaires, s’effondrant sur elles-mêmes en fin de vie dans une supernova de type 1b/c.

Autre résultat intéressant : ces sursauts de moindre luminosité semblent dessiner les contours d’un ellipsoïde aplati, centré sur le plan super galactique. Ce plan traverse le superamas galactique local, qui rassemble plusieurs amas de galaxies dans un rayon de 325 millions d’années-lumière autour de la Terre. C’est la première fois que cette distribution, cohérente avec celle de la matière visible au niveau local, est mise en évidence. Si les sursauts proviennent bien de cette région proche, ils fourniraient une explication commode à un autre mystère, celui des rayons cosmiques hautement énergétiques qui balaient l’espace interstellaire avec la puissance d’une balle de fusil, et dont l’origine précise est toujours débattue.

En attendant Swift

Ces indices de l’existence de sursauts gamma de proximité sont très convaincants, mais ils ne pourront toutefois pas être confirmés avant la mise en service de missions dédiées à leur étude. Ce sera le cas à l’automne 2003, avec le lancement de SWIFT, satellite dont la sensibilité extrême permettra d’analyser en détail les propriétés de ces sursauts faibles.

Dans notre dictionnaire de l'astronomie...

"La nuit étoilée à Saint-Remy", de Van Gogh.<br>Pour voir l'Univers tel qu'il est, il faut soit la rigueur du scientifique, soit la sensibilité de l'artiste.Tout le reste n'est qu'illusion...
à lire aussi...
Etoile
Coupe d'une étoile à neutrons
à lire aussi...
Etoile à neutrons
Planche extraite de la thèse de Léon Foucault, "Mesure de la vitesse de la lumière", 1862
à lire aussi...
Année lumière
L'année-lumière est une unité qui représente la distance parcourue par la lumière dans le vide pendant une année terrestre, soit 9.460 milliards de km
Une représentation artistique du Big Bang
à lire aussi...
Big Bang
amas de galaxies | cosmos | amas de galaxies | cosmos | énergie | espace interstellaire