Nanomédecins pour mégavoyages

article de Philippe Dagneaux
26 JANVIER 2002

Les nanocapsules patrouillant l’autoroute artérielle pour venir en aide aux cellules arrêtées sur la bande d’arrêt d’urgence…  Une image de science-fiction qui pourrait bien vite devenir réalité, grâce aux recherches sur les missions d’exploration spatiale de longue durée.
Les nanocapsules patrouillant l’autoroute artérielle pour venir en aide aux cellules arrêtées sur la bande d’arrêt d’urgence… Une image de science-fiction qui pourrait bien vite devenir réalité, grâce aux recherches sur les missions d’exploration spatiale de longue durée.

Daniel Higgins, University of Illinois at Chicago.

Le médecin appuya sur le piston de la seringue. Au long de la fine aiguille plantée dans la veine, des millions de minuscules spores, plus petites que des cellules humaines, se déversèrent dans le flux sanguin. Chargées chacune d’une quantité infinitésimale de substance médicamenteuse, elles débutèrent leur long voyage pour aller se fixer sur des cellules malades et leur apporter l’aide dont elles avaient besoin pour survivre...

Début d’un scénario de science-fiction style “Le voyage fantastique” ? Une équipe de biologistes travaillant pour la Nasa peut faire basculer cette vue de l’esprit dans la réalité dès 2005. Le projet constitue l’un des objectifs les plus ambitieux de la médecine de ce siècle naissant : disposer d’une véritable armada de “nanomédecins” pour traiter in situ les cancers ou les cellules endommagées par des radiations.

Ce problème de radioactivité est particulièrement difficile à résoudre lorsque les voyages spatiaux au long cours amèneront des équipages humains aux abords de Mars... ou plus loin, un jour. Il leur faudra disposer d’une pharmacie de bord assez conséquente pour soigner n’importe quel bobo, le moindre hôpital se situant à environ 50 millions de kilomètres d’eux !

Simple et de bon goût

Sur le papier, le principe en est d’une grande simplicité et d’une totale élégance. Des capsules de quelques centaines de nanomètres de long emportent en leur sein une dose de médicament dédiée au traitement d’une maladie spécifique. Pour identifier leur cible, elles utilisent l’une des caractéristiques des cellules biologiques : elles émettent des messages chimiques particuliers selon qu’elles sont en bonne santé ou malade. Des portes spécialisées, appelées canaux, permettent aux éléments extérieurs (calcium, magnésium, sel...) de pénétrer leur membrane pour les alimenter.

La cellule allume ses feux de détresse

Mais lorsqu’une cellule est endommagée par des radiations, elle tapisse sa surface extérieure une classe particulière de protéines baptisées CD-95. “C’est comme si la cellule criait à son entourage : “Je suis malade !”“, explique James Leary, de la faculté de médecine de l’Université du Texas, qui dirige ces études (1). De véritables balises chimiques, qui permettront aux nanomédecins de repérer leur objectif, de s’y agripper et de le pénétrer pour dispenser leur précieuse cargaison. Soit pour la soigner, soit pour en réparer l’ADN, soit pour l’éliminer. On peut même rendre ces nanoparticules fluorescentes pour suivre leur progression dans l’organisme.

Prêts dans 3 ans ?

Actuellement, tous les éléments de cette passionnante perspective ont été testés séparément : la réparation de l’ADN, les nanoparticules elles-mêmes, la fluorescence. La question est à présent de réunir ces biotechnologies pour en faire une arme redoutable contre les maladies. “Nous ne serons peut-être pas capables de réussir dans les trois ans que durera le projet”, note le prudent Leary, “car nous devons effectuer des percées dans un certain nombre de domaines. C’est véritablement un saut à réaliser”.

Les astronautes pourront ainsi se traiter durant leur long voyage vers Mars, malgré le danger des rayonnements cosmiques. Ces recherches ouvrent également des perspectives vertigineuses pour les applications au sol. Si ces travaux aboutissent, le XXIe siècle sera bien l’ère des biotechnologies.



(1) L’équipe comprend également Stephen Loyd et Massoud Motamedi, de l’Université du Texas; Nicolas Kotov, de l’Université d’Etat d’Oklahoma; et Youri Lvov, de l’Université technologique de Louisiane.

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