article de Didier Jamet
22 JANVIER 2002
Une équipe de chercheurs de l’Observatoire de Haute-Provence et de l’Observatoire de Paris a détecté pour la première fois la signature caractéristique de la végétation terrestre dans
la "lumière cendrée", la partie sombre de la Lune éclairée seulement par la Terre. Cette très belle expérience, réalisée avec des moyens modestes, ouvre d’enthousiasmantes perspectives pour la détection de la vie à la surface d’exoplanètes telluriques.
Imaginez que vous soyez un astronome extraterrestre, situé par exemple sur une planète gravitant autour d’Epsilon Eridani. Depuis quelques années, vous avez découvert la présence de planètes autour d’une étoile assez quelconque, distante de 11 années-lumière. D’abord, ce fut une géante gazeuse, puis deux, puis au fur et à mesure de l’amélioration de vos techniques de recherche, de petites planètes rocheuses, disons quatre, proches de leur étoile.
Armé de vos tout nouveaux télescopes spatiaux, vous allez à présent pouvoir analyser la faible lumière réfléchie par ces petites planètes. Vous décidez de braquer vos instruments en direction de la troisième, particulièrement bien située en ce moment pour ce genre d’observations. Qu’allez vous trouver dans le pale reflet de cette planète inconnue, que vous appelerez bientôt " la planète bleue " ?…
C’est le sens de l’expérience menée par Luc Arnold, Sophie Gillet, Olivier Lardière, Pierre Riaud et Jean Schneider, qui ont uni leurs efforts pour prouver la pertinence d’une stratégie de recherche de la vie extraterrestre fondée sur des observations dans le visible. Et pour cela, ils se sont mis dans la peau de lointains extraterrestres analysant la lumière de notre propre planète, la Terre.
Le miroir lunaire a les qualités de ses défauts
Plutôt que d’utiliser les données des satellites d’observation tels que SPOT, dont le champ de vision est trop étroit, ils ont eu l’idée d’exploiter la lumière de notre planète réfléchie par la Lune. La technique offre un avantage crucial : la surface de la Lune n’étant pas un miroir lisse, la lumière qu’elle renvoie est diffusée dans toutes les directions, mélangeant ainsi les rayons lumineux issus de toutes les régions terrestres, ce qui permet d’obtenir la couleur " moyenne " de la Terre. Ainsi, elle permet de reproduire en les anticipant les futures conditions d’observation de planètes extrasolaires rocheuses, lorsque des missions comme Darwin ou TPF seront opérationnelles.
Les observations ont été faites à partir d’avril 2001 au 80 centimètres de l’observatoire de l’OHP, et se sont poursuivies jusqu'au 20 décembre de la même année
Elles ont permis de mettre en évidence une caractéristique singulière de la couleur de la lumière terrestre réfléchie par la Lune : À partir de la longueur d’onde de 725 nanomètres, le spectre (la signature lumineuse de notre planète) remonte anormalement en intensité. Cette singularité est interprétée par les auteurs comme caractéristique du reflet de la végétation terrestre sur la Lune.
Il n’est donc pas vain d’espérer pouvoir obtenir les mêmes types " d’anomalies " caractéristiques à partir des observations des futurs grands télescopes spatiaux interférométriques, lorsqu’ils se braqueront sur les premières exoplanètes telluriques découvertes.
La prochaine grande révolution Copernicienne, celle qui nous apportera indiscutablement la preuve de l’existence d’une vie extraterrestre, n’a jamais été aussi proche.
Référence
Arnold L., Gillet S., Lardière O., Riaud P., Schneider J.: 2002, " A test for the search for life on extrasolar planets: Looking for the terrestrial vegetation signature in the Earthshine spectrum " Astronomy and Astrophysics