article de Patrick Babayou
16 AVRIL 2019
Ceci n'est pas de la science-fiction, encore moins l'annonce d'un prochain remake des blockbusters hollywoodiens Armageddon ou Deep Impact. Dans le cadre de son programme de « Défense planétaire », la NASA a réellement l'intention de faire un test pour dévier de sa trajectoire un astéroïde. Il s'agit de se préparer à l'éventualité où un astéroïde géocroiseur, un jour, serait identifié comme réellement menaçant pour la Terre.
Si nous parlons aujourd'hui de cette mission DART, « Double Asteroid Rediction Test », c'est parce que la NASA a annoncé la semaine dernière que c'est une fusée Falcon 9 de la société SpaceX qui réalisera le lancement de la sonde spatiale DART. Une annonce faite le jour même où SpaceX réussissait le premiervol de son lanceur lourd.
Le lancement, facturé 69 millions de dollars à la NASA, devrait avoir lieu au plus tard en juin 2021 depuis la base aérienne de Vandenberg (Californie). La fusée Falcon 9 a déjà exécuté deux missions pour la NASA (Jason-3 et TESS), sur un total de 68 lancements réussis.
La sonde DART a pour objectif l'astéroïde géocroiseur (65803) Didymos, et plus précisément le petit astéroïde en orbite autour de celui-ci, « Didymoon ».
Didymos a été découvert en 1996 par Joe Montani (Spacewatch, KPNO), il mesure 800 mètres dans sa plus grande largeur. Il tourne autour du Soleil en un peu plus de deux ans, selon une orbite excentrique qui l'amène entre 1,01 et 2,8 unités astronomiques du Soleil.
Son astéroïde compagnon, Didymoon, mesure pour sa part 150 mètres de diamètre et accomplit une révolution autour de Didymos en presque 12 heures. Il en est distant d'un peu plus d'un kilomètre.
Le prochain passage de l'astéroïde Didymos au plus proche de la Terre est prévu en 2123, à une distance de 5,9 millions de kilomètres. C'est un astéroïde géocroiseur qui ne présente pas de danger pour notre planète.
Mais le Didymos est parfaitement représentatif, en taille et en poids, des astéroïdes géocroiseurs potentiellement dangereux.
Grosse déception à venir pour les amateurs de sensations fortes : pas d'explosion nucléaire en vue pour la mission DART, contrairement aux blockbusters cités plus haut.
La sonde spatiale, qui pèse 500 kg, va réaliser un long voyage d'au moins 18 mois pour aller s'écraser sur Didymoon, à la vitesse de 6 km/seconde, ce qui devrait modifier très légèrement l'orbite de la petite « lune » autour de son astéroïde. Une modification qui sera observable et mesurable depuis la Terre, alors que Didymos s'en trouvera à une distance de 11 millions de kilomètres.
Selon les membres de l'équipe qui a conçu DART, cette expérience contribuera à la validation de la stratégie d'impact pour l'inflexion des trajectoires des satellites potentiellement dangereux.
Du fait que la sonde a pour seule mission de s'écraser sur Didymoon, elle est réduite à sa plus simple expression et embarque un minimum de matériel.
Ses panneaux solaires latéraux, le système « ROSA », se présentent sous la forme de rouleaux dont le bon fonctionnement a été testé à bord de l'ISS en juin 2017.
DART utilisera un système de propulsion électrique, « NEXT-C » (pour : NASA Evolutionary Xenon Truster - Commercial), qui est la génération suivante du système déjà utilisé par la sonde Dawn.
Cette propulsion ionique permet de réduire considérablement les coûts du lanceur nécessaire pour réussir la mission, tout en gagnant en flexibilité pour déterminer la fenêtre de tir, celle-ci s'établissant de décembre 2020 à juin 2021.
Le reste des équipements de DART consiste en un capteur solaire pour orienter la sonde et une caméra de navigation, DRACO (Didymos Reconnaissance & Asteroid Camera for OpNav), qui est elle-même dérivée de l'instrument LORRI qui avait équipé la mission New Horizons.
L'astéroïde cible de la mission DART est aussi un candidat sérieux pour la future mission Hera de l'agence spatiale européenne (ESA) dont le lancement pourrait avoir lieu en 2023 et qui pourrait aller examiner le cratère d'impact laissé par DART en 2026.