Du méthane sur Mars : nouvel épisode d'un long feuilleton

article de Patrick Babayou
2 AVRIL 2019

La planète rouge vue par la sonde Mars Express en 2012
La planète rouge vue par la sonde Mars Express en 2012

ESA

Sur notre planète, le méthane est produit dans une écrasante proportion par les organismes vivants, que ce soient des micro-organismes ou des troupeaux de bovins. La recherche de méthane dans l'atmosphère martienne est donc une manière de chercher des signes de vie.

Si l'on voulait donner une version plus scientifique à la chanson de David Bowie, on pourrait changer son titre : ce ne serait plus « Is there life on Mars ? » mais « is there methane... »

Déjà en 2004, la sonde Mars Express avait détecté du méthane peu après son arrivée en orbite autour de la planète rouge. Mais cette analyse avait été depuis longuement débattue.

Mais le méthane est rapidement détruit dans l'atmosphère de Mars en raison des rayons ultraviolets du Soleil qui en éparent les molécules, d'où la difficulté de le détecter, qui s'ajoute au seuil de détection des instruments de la sonde spatiale.

Puis, en 2009, la NASA avait publié une cartographie de la concentration de méthane pendant l'été martien de l'hémisphère nord.

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Ce n'était toutefois pas une preuve formelle de la présence de vie sur Mars, le méthane ayant pu être produit par des processus d'origine géologique.

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Le méthane de l'atmosphère de Mars a pu être découvert par l'observation de la planète pendant plusieurs années martiennes avec des spectromètres

Puis en 2013-2014, le rover Curiosity avait détecté plusieurs pics de brutaux de concentration de méthane dans l'atmosphère martienne, en même temps qu'elle détectait aussi d'autres molécules organiques (donc contenant du carbone et généralement de l'hydrogène) dans un échantillon de poudre de roche collecté par la foreuse du rover.

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Il manquait toutefois une confirmation des mesures faites par Curiosity, les concentrations trouvées (7 particules de méthane par milliards de molécules) étant très faibles et pouvant être remises en question du fait des seuils de détection de ses instruments.

Les relevés de Curiosity confirmés 6 ans après

L'ESA (agence spatiale européenne) vient de rendre publique une étude qui apporte cette confirmation, étude dirigée par Marco Giuranna de l'institut d'astrophysique et planétologie de Rome.

Une nouvelle méthode d'analyse des données collectées par la sonde de l'ESA, Mars Express, pendant les 20 premiers mois de la mission de la NASA du rover Curiosity sur Mars a permis de non seulement détecter à son tour du méthane mais en plus d'établir un lien entre cette observation et celle réalisée, au même moment, par Curiosity.

Ainsi, le 15 juin 2013, le rover Curiosity a détecté un pic de méthane qui est confirmé, de manière indépendante, par le spectromètre embarqué à bord de Mars Explorer lors d'un survol du cratère Gale le lendemain.

Parallèlement, 10 autres observations lors desquelles Mars Express n'a pas détecté de méthane (au vu de la précision de ses instruments) correspondent à des périodes concordantes sans méthane selon les mesures de Curiosity.

L'étude d'aujourd'hui a aussi développé des modèles statistiques pour tenter d'identifier la source du méthane à la surface de Mars.

Comment Mars Express a pu valider la mesure du méthane selon Curiosity
Comment Mars Express a pu valider la mesure du méthane selon Curiosity

Crédit : ESA/Giuranna et al (2019)

En divisant la région qui entoure le cratère Gale où se trouvait le rover Curiosity en carrés de 250 km de côté, des simulations ont été réalisées pour estimer la probabilité que le méthane vienne de chaque carré.

En même temps, chaque carré était analysé par des équipes de l'institut de géophysique et de vulcanologie de Rome et de l'institut de science et planétologie de Tucson (Arizona) afin d'identifier les structures du sol pouvant expliquer le passage du gaz.

Le carré gagnant correspond à une zone couverte en surface par de la glace qui fondrait avec le printemps martien, permettant au gaz contenu en sous-sol de se libérer dans l'atmosphère.

Les scientifiques de la mission de l'ESA Mars Express considèrent donc que l'étude de Giuranna et ses collègues confirme l'observation des pics de méthane de 2013-2014 et, plus largement, des premières observations d'il y a 15 ans. Même s'il ne s'agit que d'une seule occurrence parmi de nombreux passages orbitaux au-dessus de la zone de Curiosity.

Et le feuilleton se poursuit...

Pourtant, le cas du méthane martien n'est pas entièrement réglé. En effet, de nouvelles données sont collectées depuis un an par la sonde Exomars « Trace Gas Orbiter » (TGO). TGO est équipé de deux spectromètres cent fois plus puissants que ceux de Mars Express.

A ce jour, TGO n'a pas rapporté la moindre petite mesure de méthane lors de ses observations. Ce qui est un peu gênant.

Une explication serait toutefois que la présence de méthane dans l'atmosphère de Mars n'est pas permanente, comme d'ailleurs tendent à le prouver les « pics » et Curiosity. Le méthane emprisonné sous la surface de la planète rouge traverserait donc le permafrost ou d'autres obstacles que dans des conditions particulières, tels que des mouvements sismiques.

Un scénario qui pose toutefois souci puisque malgré les modèles prédisent que la durée de vie du méthane dans l'atmosphère devrait conduire à en détecter encore les traces.

Comprendre comment le méthane de Mars peut disparaître aussi rapidement est ainsi le prochain sujet de recherche.

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