Un peu plus près des exoplanètes

article de Didier Jamet
8 JANVIER 2002

Image composite de 15 Sge et de sa compagne naine brune. l’environnement lumineux de 15 Sge a été artificiellement soustrait dans le secteur de la naine brune afin de rendre cette dernière mieux visible. Si elle se trouvait dans notre système solaire, cette naine brune tournerait entre l’orbite de Saturne et celle d’Uranus. On devrait donc bientôt pouvoir fixer l’image d’authentiques exoplanètes.
Image composite de 15 Sge et de sa compagne naine brune. l’environnement lumineux de 15 Sge a été artificiellement soustrait dans le secteur de la naine brune afin de rendre cette dernière mieux visible. Si elle se trouvait dans notre système solaire, cette naine brune tournerait entre l’orbite de Saturne et celle d’Uranus. On devrait donc bientôt pouvoir fixer l’image d’authentiques exoplanètes.

Gemini Observatory/University of Hawaii Institute for Astronomy/Michael Liu/NSF

Les planètes extrasolaires existent, les astronomes en sont sûrs : Ils ont vu leur ombre, ils ont vu leur masse tirailler la lumière de leur étoile, ils ont même analysé en partie l’atmosphère de l’une d’elles. Mais pour le moment, ils n’en ont jamais observé directement, leur faible lumière étant noyée dans celle de l’étoile hôte. Pour combien de temps encore ?

Probablement plus très longtemps, si l’on en croit deux communications indépendantes faites hier au congrès de la Société Astronomique Américaine, réuni à Washington.

Un système solaire en formation ?

La première fait état de la découverte d’un disque circumstellaire composé de grains de poussières autour d’une étoile faisant elle-même partie d’un système quadruple, à 900 années-lumière de la Terre. Le disque ceinture entièrement l’étoile, qui ne semble pas avoir plus de deux millions d’années d’existence. Grâce à l’optique adaptative dont est équipé le télescope Gémini, Ray Jayawardhana, de l’Université de Berkeley a pu déterminer que ces grains de poussière étaient déjà en train de s’agglomérer pour former des planétésimaux, en fait des embryons de planètes. Ce disque circumstellaire est donc bel et bien un système planétaire en formation.

En l’occurrence, nous arrivons trop tôt pour observer des planètes. Mais le résultat est encourageant. Statistiquement, il arrivera bien un moment où les observateurs tomberont sur un système planétaire plus vieux de quelques millions d’années, et dans lequel de grosses planètes, jeunes, donc chaudes et brillantes, seront détectables en infrarouge avec les toutes dernières générations d’instruments.

Une brune piquante …

L’autre annonce vient de l’université d’Hawaii, par la voix de Michael Liu, auteur principal de l’étude. Son équipe a obtenu l’image d’une naine brune, un soleil raté, en orbite autour d’une étoile très semblable au Soleil. Cette naine brune a une masse comprise entre 55 et 78 fois celle de Jupiter, et tourne relativement près de son étoile, à 14 unités astronomiques (14 fois la distance Soleil-Terre, soit 2,1 milliards de kilomètres). La détection initiale remonte au mois de juin dernier, mais les chercheurs ont voulu se laisser le temps de vérifier que les deux astres, la naine brune et l’étoile 15 Sge, étaient bien liés gravitationnellement. Ils en ont également profité pour analyser sa faible lumière, ce qui leur a donné une température de surface de 1500 degrés Celsius, tout à fait compatible avec l’hypothèse naine brune.

Cette naine brune est jusqu’à présent l’exemplaire le plus proche de son étoile dont on a pu obtenir une image directe, et elle vient compliquer un peu plus encore les modèles de formation des systèmes planétaires. Les astronomes ne comprennent pas comment un si gros objet a pu se former si près de l’étoile, et pour tout dire pensent que ce n’est pas possible. La naine brune a dû se former ailleurs, et se rapprocher progressivement de l’étoile. Mais comme le reconnaît humblement Michael Liu, " cela suggère qu’une grande variété de processus peut être à l’œuvre pour peupler les régions externes d’autres systèmes solaires ".

Adapter l’optique ou disparaître

Ce qui relie ces deux découvertes et ouvre d’intéressantes perspectives pour la recherche d’exoplanètes, c’est la technique utilisée pour les obtenir : toutes les deux sont issues d’images obtenues grâce à des dispositifs d’optique adaptative, installés sur deux des plus grands télescopes au monde : Le Keck 2 (10 mètres de diamètre), et le Gémini nord (8 mètres), situés au sommet du volcan éteint Maunéa Kéa, à Hawaii. Grâce à ces systèmes, les télescopes terrestres sont en mesure de rivaliser avec le télescope spatial Hubble, ainsi que l’a spectaculairement démontré le télescope Européen VLT il y a peu.

Et là ou Hubble est carrément enterré, c’est lorsqu’il s’agit de capter la lumière d’astres faibles. Avec ses 2,4 mètres de diamètre, la lutte avec les géants terrestres devient très difficile . Ces derniers concentrent en effet beaucoup plus de lumière, ce qui est crucial lorsqu’il s’agit d’objets aussi faiblement lumineux qu’une exoplanète. De plus, les télescopes terrestres peuvent rester pointés dans la même direction pendant très longtemps, ce qui s’avérerait impossible avec Hubble, du moins à un coût raisonnable.

Le " point brillant ", déjà ?

Alors, qui ramènera la première image ? Peut-être existe-t-elle déjà. Ray Jayawardhana a en effet produit une image qui pourrait correspondre à une jeune exoplanète, ajoutant tout de suite qu’il était trop tôt pour l’affirmer. Il peut encore s’agir d’une naine brune, ou une très lointaine étoile d’arrière-plan. Il a demandé un peu de temps pour pouvoir confirmer que l’objet en question tourne bien autour d’une étoile, et que sa lumière présente les caractéristiques attendues d’une planète. La réponse devrait être connue d’ici 6 mois à un an et demi.
L’astronomie est une rude école de patience, mais lorsque les promesses qu’elle nous fait sont si merveilleuses, il faut savoir les mériter…

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