Qui veut voir Mars aussi grosse que la pleine Lune ?

article de Didier Jamet
26 AOUT 2011

C\'est peut-être en août 2003 que l\'espoir de voir Mars aussi grosse que la Lune fut le plus près de se réaliser. Mais comme en témoigne cette image, où Mars est visible sur la gauche de la Lune, on en était encore assez loin...
C'est peut-être en août 2003 que l'espoir de voir Mars aussi grosse que la Lune fut le plus près de se réaliser. Mais comme en témoigne cette image, où Mars est visible sur la gauche de la Lune, on en était encore assez loin...

Laurent Laveder/Pixheaven

Ce soir encore, comme tous les ans depuis 2004, des dizaines de milliers de personnes chercheront vainement dans le ciel une hypothétique « lune rouge Â», prétendument incarnée par une planète Mars « exceptionnellement proche Â».

La vérité est que Mars, qui ne se lèvera pas au-dessus de l’horizon est avant 3 heures du matin, aura bien du mal à tenir cette promesse cette nuit, ni d’ailleurs aucune autre, puisqu’elle se trouvera alors à plus de 300 millions de kilomètres de la Terre.

Son diamètre apparent ne sera de 4,7 secondes d’arc, soit près de 400 fois inférieur à celui de la Lune lorsqu’elle est pleine… Quant à cette dernière, elle se lèvera encore plus tard que Mars, passé 5 heures du matin, et sous la forme d’un très mince croissant (voyez notre

carte du Ciel interactive dont vous pouvez personnaliser à la fois le lieu et l’heure d’observation). Tout est donc grossièrement faux dans ce courrier électronique que vous avez peut-être reçu, cru, et répercuté auprès de vos contacts…

Plutôt que de revenir une fois de plus sur les sources de cette version moderne de la chasse au Dahu, (nous l’avions

déjà fait de façon très complète en 2009), nous avons choisi cette année de nous arrêter sur ce que pouvait signifier ce fait, qui continue de nous questionner année après année : comment autant de gens de tous âges peuvent-ils se laisser abuser par l’annonce de prétendus phénomènes astronomiques aussi grossièrement improbables ?

Premièrement, il convient de noter que, comme l’avaient déjà compris les premiers et

les plus redoutables stratèges en manipulations des masses, « plus le mensonge est gros, mieux il passe. Â» Exprimé autrement, certaines annonces paraissent si extraordinaires que le premier réflexe de celui qui les entend est de se dire « personne n’oserait annoncer une chose pareille si elle n’était pas vraie Â».

Et là, première blessure pour l’orgueil des médiateurs scientifiques dont nous sommes, il faut bien constater que nous, et nos discours raisonnables, sommes très peu entendus. Tout se passe comme si le ciel et ses merveilles ne parvenaient à retenir l’attention du grand public qu’à condition de promettre de l’extraordinaire, toujours plus d’extraordinaire.

Dans notre société, qui semble vouloir se conformer chaque jour un peu plus à

celle du spectacle si précisément prophétisée en son temps par

Guy Debord, tout, absolument tout, est soumis à l’impératif du spectaculaire et du divertissement, du clinquant et de l’énorme. Et la science n’y échappe pas.

On voit d’ailleurs assez mal comment elle y parviendrait, puisque l’école elle-même n’est plus conçue comme un lieu de transmission d’un savoir, mais comme un espace ou « l’apprenant Â» doit impérativement « apprendre en s’amusant Â». Et gare aux enseignants récalcitrants à cette injonction du divertissement gratuit et obligatoire, leur notation risquerait d’en pâtir fortement lors d’une prochaine inspection. Aussi, comment s’étonner qu’à force de

fabriquer du crétin à la chaine depuis des décennies, ce modèle si fort répandu se complaise dans la crétinerie la plus grossière, qui est pour lui comme un milieu naturel où il s’épanouit, et d’où tout effort, qu’il soit d’ailleurs physique ou intellectuel, et aussi minime fut-il, est banni ?

Au fond, il semble que toute société finisse par avoir les mythes qu’elle mérite. Les Grecs anciens projetaient entre les ombres du mont Olympe la version magnifiée des drames trop humains que toute humanité semblait devoir, implacablement, revivre au cours des siècles. Au moins la chose était-elle faite avec poésie et style, et finirait par poser les fondements de ce que nous appelons encore civilisation.

Aujourd’hui, ce rôle cathartique se trouve au mieux dévolu à des dispositifs télévisés aussi désespérément vulgaires que « Plus belle la vie Â» ou « Julie Lescaut Â». En un peu moins de 3000 ans, il semble que l’homme ne soit finalement sorti de la caverne malcommode chère à Platon que pour s’asseoir plus confortablement devant une télé.

Dormez, bonnes gens, et continuez dans vos rêves naïfs, surtout ceux que vous faites en plein jour, à demander la Lune ; plutôt deux fois qu’une ; rouge, bleue, multicolore, à pois, pied-de-poule, prince de Galles même, pourquoi pas ! Avec un public si naïf, tous les

menteurs, mystificateurs et autres manipulateurs du vaste monde n’auront aucune peine à y pourvoir. Merci pour eux.

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