Vols habités : Après la Chine, l’Europe laissera-t-elle de nouveau passer sa chance ?

article de Olivier Sanguy
16 OCTOBRE 2003

L\'ATV, le véhicule de transfert automatique de l\'ESA, a été développé dans la perspective du vol habité, preuve que le savoir faire existe en Europe
L'ATV, le véhicule de transfert automatique de l'ESA, a été développé dans la perspective du vol habité, preuve que le savoir faire existe en Europe

ESA - Ducros

Le succès est total. Shenzhou-V a atterri tôt ce matin en Mongolie et Yang Liwei rentre dans l’histoire de l’astronautique, entraînant avec lui la Chine.

Aux Jeux Olympiques, on le sait, les podiums n’ont que 3 places. En est-il de même pour les vols habités ?

On serait tenté de le croire tant ce vol, dont les informations furent pourtant parfaitement contrôlées de bout en bout par le pouvoir de Pékin, a suscité d’intérêt dans les médias occidentaux.

Evidemment, certains commencent à tenter de minimiser le succès de l’Empire du Milieu en le rabaissant au niveau de "copieur" de technologie russe.

Certes, le Shenzhou emprunte beaucoup au célèbre Soyouz de l’ex-Union Soviétique et désormais de la Russie. Mais c’est ignorer les innovations apportées par les ingénieurs chinois, à commencer par la plus spectaculaire : le module orbital du Shenzhou. Contrairement au modèle russe, ce module orbital (plus grand) est autonome car doté de panneaux solaires et de petits propulseurs d’orientation. Une sorte de "mini-station spatiale".

Ensuite, maîtriser une telle technologie (même si elle est "ancienne") demande une organisation et une planification de haut niveau. La Chine démontre sa modernité et sa capacité pour le marché industriel du Hi-Tech.

Malgré tout, certains se demandent encore pourquoi la Chine occupe cette 3ème place. Mais la bonne question est : Pourquoi l’Europe n’est-elle pas sur le podium du vol habité !

Hermès, une occasion ratée

En 1992, Hermès (navette spatiale européenne) était abandonnée. A la même époque, la Chine s’engageait définitivement vers le vol habité…

Estimée autour de 7 milliards d’euros actuels (hors développement d’Ariane V, son lanceur), Hermès fut jugée trop coûteuse. Vraiment ? Début 2002, France Télécom annonçait une perte nette de 8 milliards d’euros. Il ne faudrait pas confondre le prix et la valeur des choses.

Ceci est d’autant plus étonnant que l’Europe a montré son savoir-faire. Le Spacelab est, après tout, un habitat spatial fabriqué en Europe… embarqué sur la navette américaine ! L’Europe sait donc faire vivre des astronautes en orbite (Columbus, le futur module européen de l’ISS le confirmera), mais elle n’a pas voulu les y envoyer par ses propres moyens.

Du coup, il nous reste l’horizon 2009-2010 pour espérer un vol habité depuis la Guyane avec un lanceur Soyouz pur jus. Si le projet est intéressant, il laisse un parfum de "faute de mieux" face au succès chinois.

Et pour couronner le tout, l’Europe pourrait bien aussi rater sa 4ème place car l’Inde (voir ESPACE Magazine n°1) a aussi des projets de vol habité.

Supposons que le Soyouz Guyanais emporte des Européens avant le programme Indien. Pourra-t-on sérieusement prétendre avoir envoyé des Européens avec nos propres moyens ? La réponse sera forcément mitigée, à moins que la Russie n’intègre d’ici-là l’Union Européenne et ne devienne membre de l’ESA (Agence Spatiale Européenne)…

Le plus frustrant est que l’Europe a tout à portée de main au niveau technologique :

-l’ATV (Automated Transfert Vehicule) pour la partie maîtrise du vol spatial et du rendez-vous en orbite,

-Ariane pour le lanceur,

-l’ARD (Atmospheric Rentry Demonstrator) pour la délicate phase de rentrée sur Terre.

L’Europe spatiale sait faire, hélas, la volonté politique, contrairement à la Chine, fait défaut.

Chronique malheureuse d’un rendez-vous manqué avec l’Histoire.

Olivier SANGUY

Rédacteur en chef d’ESPACE Magazine

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